L'Enfant et la lumière (V,VI,VII,VIII)

  • Le 04/12/2021
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Phare

 

 

 

 

                                               V

                                            Stress

 

    Des aboiements de chiens signalèrent à l'entant qu'il approchait de la ville et il devint plus circonspect, car les Pierres ont peur et peuvent réagir méchamment! La nuit s'installait déjà, quand il fut à la périphérie, et il découvrit un spectacle qui le cloua sur place! Des milliers de petites lumières rouges se suivaient, comme pour former une coulée de lave, et cela dans un vacarme étourdissant!

    L'enfant marchait sur le bas-côté et ne cessait de se répéter: "Cela n'a pas de sens, ça n'a aucun sens!" En effet, il se rappelait les merveilles, l'infinie beauté qu'il avait vues dans la nature, alors que maintenant, autour de lui, tout n'était que fracas, énervement, pollution! Il avait beau emprunté des voies détournées, il finissait toujours  par retrouver le trafic et en être assommé! Il croisait aussi des Pierres, qui le faisaient frémir!

    Certaines montraient des visages perdus, apeurés, comme si elles avaient cherché du secours! D'autres avançaient la tête basse, l'air désespéré et on imaginait qu'elles avaient subi quelque catastrophe terrible, irrémédiable! Au contraire, quelques unes faisaient tout pour qu'on les regarde et elles arboraient les tenues les plus extravagantes! Des musiques à tue-tête résonnaient, du mépris s'affichait, du malheur tendait la main, de la suffisance trônait, de la séduction mordait, si bien qu'on était telle une barque au milieu d'une tempête et qu'il devenait impossible d'avoir la moindre pensée cohérente!

    Soudain, l'enfant aperçut celle qui commandait la ville! C'était une géante, à l'habit martial et aux yeux de feu! Elle n'était pas inconnue à l'enfant, qui en entendait souvent parler, même s'il ne la comprenait pas bien, mais il savait son nom: elle s'appelait Stress! Elle régnait sur les Pierres et les conduisait avec un fouet! Elle riait dans l'orage, en les voyant se presser et tomber! Elle les écrasait sous son pied de fer! Elle les rendait malades, leur tordait l'estomac par la crainte qu'elle inspirait!

    La ville ressemblait à un chaudron et incessamment retentissaient des sirènes d'ambulance! Des Pierres avaient lâché prises, vaincues par Stress, et s'étaient blessées ou en avaient meurtri d'autres! C'était un vrai champ de bataille et l'enfant murmurait toujours: "Cela n'a pas de sens, ça n'a aucun sens!"

 

                                                                                                    VI

                                                                                               Le merle

 

   Le lendemain, l'enfant faisait ses devoirs sur une petite table blanche et s'ennuyait. Il se leva et regarda par la fenêtre. Un merle se gavait des baies rouges du sorbier. "Bonjour le merle! lança l'enfant, qui avait ouvert la fenêtre.

    _ Chut! Moins fort! fit le merle. Tu vas me faire repérer!

    _ On te pourchasse? demanda tout bas l'enfant, qui était tout de même encore surpris d'entendre les animaux lui répondre.

    _ Et comment! Les pies veulent ma peau! sous prétexte que ce serait leur territoire! Mais c'est plutôt le mien! Les merles viennent ici depuis des générations, pour les baies du sorbier! C'est notre nourriture de l'hiver! Les pies n'en veulent pas! C'est pas assez bon pour ces vaniteuses! T'as vu leur longue queue? Est-ce une manière convenable de se vêtir, d'être toujours en tenue de soirée? C'est mon arbre, c'est mon territoire!"

    Le merle avait vraiment l'air en colère, malgré son œil d'or, et l'enfant, au lieu d'en rire, fut d'accord avec l'oiseau! "Mais, rajouta-t-il, il n'y aurait pas moyen que vous cohabitiez?

    _ Cohabiter? Non, mais t'as pas vu le gazier! C'est de la famille de la corneille! Un bec comme une masse! Et ses pattes? C'est déjà des serres! J' fais pas le poids, tu peux m' croire! Et puis, cet œil noir, pleureur, sournois, brrr!

    _ La pie a quand même un bel éclat émeraude sur la queue!

    _ On le voit à peine! comme si elle en avait honte!

    _ C'est vrai qu'elle a les couleurs de l'épaulard...

    _ J'ai l'impression que tu crois qu'on peut tous être copains, pas vrai?

    _ Ben, la nature est tellement belle...

    _ Alors, plonge ton regard dans mon plumage... Allez, vas-y!"

    L'enfant fit comme on le lui disait et il se concentra sur le corps de l'oiseau, au point que plus rien n'exista autour. Puis, soudain, il poussa un cri: "Mais c'est la nuit, la nuit la plus noire!

    _ C'est cela! Apprends qu'elle existe et n'oublie jamais combien la lumière du soleil est extraordinaire et qu'elle chauffe!

    _ Je n'oublierai pas..., mais je comprends maintenant pourquoi tu es l'oiseau du soir... et de l'ombre aussi, car, dans l'arbuste, on ne te voit pas du tout!

    _ Attention, je les entends!"

    En effet, un bruit mitraillette, qui ressemble encore au sifflement du crotale, retentissait: c'était les pies! Le merle quitta le sorbier et se posa sur un mur, non loin de là. Alors, son propre cri déchira l'air comme une paire de ciseaux et sans attendre les pies, il prit la fuite, ainsi qu'il eût voulu se moquer d'elles!

 

                                                                                               VII

                                                                                           Les pies

 

    Les pies, désormais, inspectaient le sorbier... Elles comptaient peut-être débusquer la merlette, mais le merle était venu seul... A côté, indifférente à toute cette agitation, une mésange prenait sa douche! Elle était bien trop petite pour intéresser les pies et elle gazouillait en se frottant avec de la rosée! Plus tard, elle sauterait de branche en branche, à la recherche d'insectes, comme si elle était chargée d'épouiller l'arbre!

    L'enfant eut l'idée de donner aux pies des croûtes de fromage, qu'il éminça jusqu'à les réduire en poudre, et il revint les répandre sur le rebord de la fenêtre. Comme ce n'était pas la première fois, les pies ne se firent pas prier et elles se jetèrent sur la nourriture! Mais alors le mâle chassa brutalement la femelle, qui avait osé picorer sous son bec! L'enfant cria au mâle: "Mais il y en a pour tout le monde! Elle a autant le droit de manger que toi! Mieux, tu devrais par courtoisie lui offrir les meilleurs morceaux!"

    Le mâle fut stupéfié par cette sortie! Puis, il dit: "Ah! parce que tu crois que je me comporte ainsi par méchanceté! parce que je ne respecte pas ma propre compagne?

    _ Je ne vois pas d'autres raisons! Tu es égoïste!

    _ T'es bien un bleu! Tu ne sais pas et tu juges! Hum! Il y a un arbre de l'autre côté de la rue, pas vrai?

    _ Bien sûr! répondit l'enfant qui avait levé la tête.

    _ Et qu'est-ce que tu vois dans l'arbre?

    _ Euh... Un autre... un autre couple de pies!

    _ Exact! Et maintenant, monsieur Je sais tout, qui va devoir affronter le mâle de cet autre couple?"

    La pie finissait d'avaler des morceaux avec frénésie, pendant que l'enfant réfléchissait... "Eh ben, euh, c'est toi! répondit-il enfin.

    _ Oui, c'est moi, car, si je n'interviens pas ou si je perds, ma femme et moi, nous n'aurons plus de territoire et donc plus de nourriture et nous ne pourrons pas avoir de petits! Tu dis rien? Je t'ai cloué le bec! Ah! Ah! Oui, c'est moi qui vais devoir aller au charbon, pour reprendre une expression des hommes!

    _ Et il te faut des forces, murmura l'enfant.

    _ Oh! mais je n'ai pas affaire à un idiot! Mais oui, il faut que je sois en pleine forme, et c'est pourquoi je mange en premier et que je prends les meilleurs morceaux! C'est par nécessité, car la vie des animaux est une guerre permanente! Vu?

    _ Vu!

    _ Bien et maintenant regarde le spectacle!"

    Le mâle fonça vers le couple adverse et il fut même suivi par sa femelle, car elle-même participait au combat en jacassant! L'affrontement fut bref et le mâle, qu'avait nourri l'enfant, gagna encore cette fois-ci, peut-être à cause du fromage! L'enfant referma sa fenêtre et se dit que le monde était décidément bien compliqué! Il était à la fois beau, merveilleux et cruel et dur!

 

                                                                                                      VIII

                                                                                                  Les Pierres

 

    Comme il n'y avait plus de pain, on envoya l'enfant en chercher. Cela lui plaisait de sortir, mais les Pierres ont un jeu terrible: elles veulent s'écraser les unes les autres! L'enfant marchait sur le trottoir, quand il vit une Pierre du sexe masculin qui allait le croiser et il en eut la gorge noué. Il se prépara et se raidit, mais la Pierre homme ne le laissa pas tranquille!

    Elle se dressa de toute sa hauteur et demanda à l'enfant: "Ne suis-je pas le plus fort, le plus puissant, le maître?" Elle se penchait maintenant sur l'enfant, de sorte qu'il fut dans son ombre, et elle reprit: "Tu as vu mon costume? Quelle élégance! Hein? Et mon allure? Ne suis-je pas droit comme un i? Je surclasse tout le monde! C'est que je suis riche, moi! Je ne suis pas n'importe qui! J'ai du pouvoir! Et ma voiture?"

    La Pierre homme appuya sur un bouton et sa voiture tout près lui répondit en clignotant, comme un chien! "Non, mais regarde ces lignes!" La Pierre homme caressait maintenant la carrosserie! "Le luxe, la pureté, c'est qu' ça coûte! Attends, je vais te faire entendre ma musique!" La voiture maintenant chantait à tue-tête et on avait l'impression qu'un cirque était arrivé en ville!

    Puis, tout s'arrêta et la Pierre homme coinça l'enfant contre un mur: "C'est moi le maître et toi, l'esclave! dit-elle. Tu me dois la soumission!" L'enfant essaya de s'échapper par un côté, mais la Pierre lui ferma le passage: "Comment, Comment? s'écria-t-elle. Tu me résistes? Tu ne reconnais pas mon importance, ma supériorité? Va au diable!" Et la Pierre subitement s'abattit sur l'enfant, mais il fut le plus vif, car il avait déjà l'habitude de ce genre de situations!

    Il avait glissé le long du mur et retrouvé l'air libre. Sans se retourner, il filait vers la boulangerie, mais il était encore choqué, troublé et il admira les nuages et un arbre doré par le soleil, pour se calmer. Il avait eu chaud!

    Il entra dans la boulangerie et prit la file d'attente, mais, soudain, il sentit qu'on le pressait par derrière! De nouveau il se tendit, mais fit comme si rien n'était! Alors la pression augmenta, ainsi que la Pierre, dans le dos de l'enfant, eut des proportions gigantesques, de sorte qu'elle éclata: "Comment? Comment? cria-t-elle à l'adresse de l'enfant. Tu..., tu es toujours là! et je suis entrée! Ce n'est pas possible, car, quand j'arrive dans un endroit, on doit me servir! immédiatement!"

    L'enfant tremblait maintenant! Il savait qu'il avait affaire à une Pierre femme, mais c'était tout! Il ne voulait pas se retourner vers elle et voir son affreux visage! Il tenait bon et voulait son pain! Derrière la colère redoubla: "Mais tu... tu m'ignores! éructait la Pierre. Je t'écraserai, avorton! Je ne supporte pas d'attendre! C'est moi qui commande! C'est moi qui existe, pas toi! Le monde est mien et doit plier sous ma loi!"

    L'enfant parvint tout de même à acheter son pain, mais, quand il se retourna, la Pierre femme se dressait devant lui et l'empêchait de sortir! Il s'excusa , pour que la Pierre s'écartât, mais elle ne bougea pas! Il dut passer entre ses jambes, grâce à sa souplesse, et il se sauva! Arrivé chez lui, il déposa le pain dans la cuisine et remonta dans sa chambre... Il était épuisé!

 
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