ANAGRAMME

  • Le 31/07/2021
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Anagramme

 

 

 

                                                "On se retrouvera en enfer!

                                                  _ D'accord!"

                                                                Impitoyable

 

 

 

    L'égoïsme allait par les rues de RAM! Il s'ennuyait! Il ne se demandait pas ce qu'il faisait ici, ni ce qui lui manquait pour être heureux! Non, il était inquiet, sombre, impatient, nerveux et même prêt à mordre!

    En effet, que pouvait-il espérer? En qui pouvait-il avoir confiance? Comment se développer, étendre son amour, enrichir son être? Quel repère avait-il? quel ami, quel confident? Qu'est-ce qui pouvait le conduire à se dépasser et en même temps à vaincre ses peurs, pour s'apaiser?

    Il pouvait s'abrutir de travail, de bruit! L'effort le rassurait, le fatiguait aussi, le rendait amer et querelleur! D'autres ne faisaient rien et lui peinait! Ce n'était pas supportable! Il demandait des comptes, avivait les haines, amplifiait les fractures! Le mépris coulait de sa bouche et n'arrangeait rien!

    Seul celui qui est heureux peut être utile, ne serait-ce que parce qu'il peut s'intéresser aux autres! L'égoïsme en était incapable et il allait par les rues de RAM, le visage fermé! La vie ne lui donnait aucune espérance, apparaissait morne et il maudissait tous les paresseux, les mollusques! Il était malheureux!

    Au-dessus de lui pourtant passaient les nuages d'un blanc éclatant! Le vent agitait les branches, ainsi qu'elles auraient été des mains folles de danser! La lumière pleuvait et chauffait! Les oiseaux fiers planaient merveilleusement! Mais l'égoïsme était maudit! Il portait le fardeau du monde, pendant que toute la nature se permettait de s'amuser!

    Mais comment aurait-il pu avoir confiance et relâcher son effort? Sa femme n'allait pas mieux! La haine lui brûlait le ventre! A la boulangerie, elle dut attendre une minute et ce fut celle de trop! Elle sortit son grand couteau et elle égorgea le client qui la devançait! Celui-ci s'écroula en gesticulant et en perdant tout son sang! Elle fut bientôt arrêtée par la police et maintenant elle passe ses jours en prison! Maudite elle aussi!

    Comment faire confiance? Comment espérer, devenir infiniment meilleur et heureux? Comment être toujours riche? Comment ne plus avoir soif? J'ai le secret! Mais l'égoïsme ne veut pas l'entendre! Il se moque même de moi! Il me prend pour un enfant (ce que je suis!)!

    A mon secret, il préfère sa rengaine, sa scie! Et il va par les rues de RAM, triste, le visage fermé! Il fume! La situation le désespère! Que n'est-il à la tête de RAM? RAM et son concert d'avis! cette crécelle à inquiétudes!

    Monde de RAM, mercredi 28 juillet... RAM regardait sa ville par l'immense baie de son bureau... Aussi loin que portait la vue, il y avait des chantiers, de nouveaux bâtiments et on avait même gagné sur le mer! Mais cela ne suffisait pas à RAM!

    Il se passa les mains dans les cheveux, fit jouer les muscles de son cou et battit un instant des paupières, suivant une méthode qu'il avait vue un jour! Puis, en agitant les doigts, il prit place sur un tabouret, devant une maquette de la ville qui avait les dimensions de la pièce! Il tapota une des touches du clavier, qui permettait de faire sortir de nouvelles constructions!

    A cet instant, le soleil se couchait et le ciel était sanglant! Un tel spectacle favorisait l'inspiration et RAM rejeta la tête en arrière, comme s'il devait recueillir l'eau fraîche de sa muse! Puis, le concert commença et RAM, maire de sa ville, fit exploser de vieux quartiers, souleva des rues et vers les cieux des immeubles immaculés s'envolèrent!

    RAM était maintenant en transe et la maquette ondoyait comme la mer! Peut-être était-il possible d'écrire le nom de RAM, avec son écume, son béton neuf? Ainsi, il y aurait une signature seulement visible par des initiés, qui survoleraient la ville! Derrière RAM, dans l'ombre, se tenaient deux invités!

    D'abord, la mort, décharnée, apparemment indifférente, battait discrètement la mesure, car c'est elle au fond qui poussait RAM à laisser une trace, à transformer autant la ville! De temps en temps, son doigt squelettique et glacé caressait le cou de RAM, comme pour lui dire: "C'est bien! Si tu veux qu'on se rappelle ton nom, tu ne dois pas lésiner! Sinon, ce sera l'oubli à jamais!"

    A côté, une femme à demi-folle laissait aller ses sanglots! Elle criait, mais on ne l'entendait pas! C'était dame Nature! On avait d'abord écrasé ses épis, mit en fuite ses oiseaux, abattus ses arbres! On l'avait chassée, repoussée comme un vieux tapis sale! Elle ne savait plus où aller! Des flots de béton avaient été déversés dans le secret de sa mer! Elle avait vu les poissons affolés, les algues mourir! Maintenant, elle suppliait RAM! Elle lui lançait: "Je t'en prie, RAM! Tu ne sais pas qui je suis! ni ce que je suis capable de faire! Je vais me venger, même si ce sera sans haine! Tu vas souffrir, RAM, au-delà de tout ce que tu peux imaginer! Tu ne fais pas le poids! Tu es un enfant!"  

    Mais RAM n'écoutait pas! Il voyait son nom en lettres de feu dans l'avenir! Il continuait sa folie... et sur place, parmi les hommes, les habitants, comment cela se passait? On prenait des charrettes, on les chargeait de meubles, on y mettait sa famille! On partait! On n'en pouvait plus! On ne voyait plus rien! Il n'y avait plus de lumière! Trop de bruit! Les petits pleuraient tout le temps! On devenait malades! De plus riches prenaient la place! mornes, indifférents! On partait! On reprenait la route, avec ses dangers, ses peines, ses fatigues! L'errance était de nouveau là!

    Mais personne, personne n'arrêtait RAM! Avec son conseil, il parlait de progrès, de relance économique, d'emplois!  Tout le monde opinait! Si on cillait, on était aussitôt vu comme un rétrograde, un irréaliste! Ainsi, RAM menait sa ville et le monde en enfer, en dansant au rythme de sa folie! Oui, son nom sera dans la géhenne!  

    Monde de RAM, jeudi 29 juillet... Le ciel était de plus en plus noir, tourmenté, tempétueux! On savait que des maisons avaient été emportées, ailleurs, que des gens avaient tout perdu! On savait que la planète était en train de fondre et qu'on était en route vers des changements profonds, brutaux, gigantesques!

    Des cataclysmes marchaient vers RAM, mais, comme si cela ne suffisait pas, la violence envahissait la ville, devenait quotidienne! On battait à mort, on délimitait des territoires, on faisait la loi! Ceux dont l'orgueil était assoiffé et qui n'arrivaient pas au pouvoir, à s'élever, à cause de leur origine étrangère, ceux-là choisissaient la voie de la drogue et de la délinquance! Ils s'imposaient par la force et défiaient la société! Ils étaient les nouveaux chefs et abattaient tous les obstacles!

    RAM suait! d'autant que sa base, son pied était fragile! La dette de RAM, en effet, était abyssale et on sentait parfois le froid du gouffre! Des conflits sans bornes, des fractures, des sacrifices étaient à prévoir et RAM allait encore trembler!

    Mais le pire n'était pas là! Quand on est prêt, qu'on voit lucidement la situation, qu'on sait où est l'essentiel, à savoir qu' on est somme toute engagé dans une guerre, puisque notre destruction est amorcée, on peut prévoir, se préparer, réagir au mieux, en échappant à la catastrophe!

    Notre monde s'écroule, mais que fait le peuple de RAM? Eh bien, il s'amuse, il rêve, il se berce dans son illusion! Il ne voit pas le mal, ou bien il considère que c'est l'affaire de la police, des lois! Il ne voit pas le mal chez lui, il se croit innocent, c'est dire sa cécité!

    Il se croit pur et il refuse de reconnaître sa laideur, son avidité, sa folie, son égoïsme! Ainsi, il fait son propre malheur, car il ne vit pas dans la réalité! Il ignore l'orage qui arrive! Il s'admire, il joue, il parade, il se raconte des histoires, crée un univers factice, artificiel, qui n'offre, ne pourra offrir aucune résistance au malheur!

    Ne réveille pas l'habitant de RAM, si tu as les yeux ouverts! C'est impossible tant il rêve! Regarde ses jouets! sa belle voiture, qui fait vroum! vroum! Contemple-le dans la rue! Il avance les yeux dans son petit miroir, qu'il tient à bout de bras et auquel il parle aussi!

    L'habitant de RAM n'est préoccupé que de lui-même! Est-il regardé? Fait-il de l'effet? A-t-il du succès, des amis? Est-il fort? bien habillé? riche? Son monde est sa petite personne, alors qu'au loin le volcan gronde et fume!

    Les merveilleuses histoires de RAM, de ses élus, de ses élites! On voit encore une cité rayonnante, harmonieuse, symbole du progrès, de la civilisation! On n'a pas de haine, ni d'envie, ni d'orgueil, de méchanceté, d'agressivité! On est seulement des flèches d'or dirigées vers l'avenir!

    On n'est pas sale! On croit encore à la cité rayonnante! Bien sûr, il y a des conflits, des pleurs, des plaintes, des attaques, mais ce sont des envieux qui essaient de freiner la cité immaculée! On est pris par la mer des problèmes, mais on imagine la dompter, la faire disparaître sous la modernité, le neuf, la cité rêvée!

    Certains ne bougent pas! Ils ne sont pas bien, ils souffrent, mais ils ne bougent pas! On agira pour eux! Car il en a toujours été ainsi! Il se trouvera un champion, une poire en somme! Un révolté, si on veut! Mais ils ne bougent pas, trop fiers et leur confort avant tout! Le plaisir, le rêve à tout prix!

    Le raz de marée de la catastrophe balaiera tout ça! Il y aura des crises, des cris et de la haine, beaucoup de haine! Ben dame, on est comme des enfants! On ne veut pas être dérangés, ni voir, ni se fatiguer! On criera comme des bébés et on méprisera, on détruira, on condamnera comme des adultes! De la haine et encore de la haine!

    Parce qu'on n'aura pas voulu voir! être humain! prendre sa peine! avoir du courage! Dors douillettement habitant de RAM! Raconte-toi tes berceuses! Ris à tes fêtes! Les nuages s'amoncellent sur ta tête!   

    Ne cherche pas surtout! Ne te demande pas ce qui est vrai, réel! Ne donne pas un sens à ta vie! Ecoute seulement ton ambition, le chant de ton égoïsme! Comme il te berce! Comme il te tient chaud, malgré le vent et les éclairs!

    Ecoute, il est des chemins de pierres dont tu n'as même pas idée! Il existe des sanglots en plein soleil! Des amertumes noires en plein jour! Tu n'as aucune idée de la dureté et du chagrin!

    Fais vroum vroum avec ta voiture ou ton scoot! Regarde ton écran géant! Imagine ta cité merveilleuse, sans mal! puisque tu en dépourvu toi-même! Hein? Tu ne fais pas le mal, hein dis RAM? Tu ne frappes pas, tu ne méprises pas! Tu ne hais pas!

    Monde de RAM, vendredi 30 juillet...

    L'égoïsme est un bébé dans la rue!

    Tout le monde doit s'occuper de lui!

    Les autres n'existent pas!

    C'est l'homme piranha!

    Il court à sa destruction!

    Il crée la violence dont il sera la victime!

    Il ne connaît ni la planète ni le cosmos ni la mort!

    Il n'est qu'un souffle, qu'un mirage!

    Il n'est déjà plus là!

    Ouvre-toi!

    Laisse passer la lumière!

 
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