L'Ego et la lumière (digression 1- 5)

  • Le 24/06/2023
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Doms66

 

 

 

 

          "O mânes illustres!"

                 Le Monocle rit jaune

 

                         1

     L’ego n’aime pas la lumière ! Elle provoque d’emblée son dégoût ! L’ego n’aime pas la lumière ! Dès qu’il la voit, il se crispe, la hait et rêve de la détruire ! Et tout cela avec le sourire, en s’efforçant de rester le plus aimable possible ! Car l’ego se sentirait faible s’il laissait apparaître ses sentiments ! Se montrer touché, envieux, c’est dévoiler son infériorité ! L’ego doit être au-dessus des querelles, tel l’aigle qui plane sur les cimes ! L’urbanité rayonnante et un rien condescendante est l’image de la réussite, de l’équilibre, de la force ! C’est le masque de la compréhension, de l’indulgence et ainsi l’ego et la lumière ont l’air des meilleurs amis du monde ! Ainsi va la société sous le soleil : responsable, raisonnable, faite pour durer !

     Mais l’ego déteste la lumière ! Il ne peut pas complètement cacher son dégoût et sous les apparences, il cherche comment blesser, rabaisser, anéantir la lumière ! L’ego devant la lumière est une machine à penser ! Il y a un écran, le visage, des mots, un langage connu de tous, rassurant, mais sous la façade, le cerveau s’agite, se débat, fonctionne à toute allure, comme un nageur fonce vers la surface, pour respirer ! L’oxygène de l’ego, c’est sa supériorité ! Pendant ce temps, la lumière attend ! Elle attend le coup qui va lui être porté ! Elle voit les efforts de l’ego, elle connaît ses interrogations, car l’ego se demande qui elle est, et elle sait qu’il va frapper !

     C’est dans l’ordre des choses ! L’ego ne domine pas la lumière et se nourrit pourtant de la domination ! Il faut donc qu’il supplante, domine la lumière ! L’ego n’a qu’un seul but, qu’une seule raison de vivre et c’est sa domination, le sentiment de son importance ! Ainsi l’ego se tient devant le cosmos et la mort ! comme l’animal sans conscience ! juste animé par sa lutte contre des rivaux et des prédateurs ! ce qui mène à la défense de son territoire et à la suprématie de son individualité ! Ainsi l’ego combat tous les pouvoirs, tous les privilèges, toutes les inégalités, tous les éléments étrangers et qui ne lui sont pas soumis ! Ainsi l’ego n’aime pas la lumière !

     Elle pourrait cependant aider l’ego ! Elle pourrait lui dire que c’est justement lui-même son fardeau ! Ne faut-il pas à l’ego qu’il se sente toujours supérieur, pour avoir l’impression de vivre et échapper à son angoisse ? Cela n’inclue-t-il pas un rapport de force constant, avec des victimes ou des inférieurs ? Cela ne demande-t-il pas à l’ego d’être parfait, sans taches, sans fêlures, d’être toujours prêt, d’avoir réponse à tout ? L’ego est comme une forteresse qui doit veiller ! Puisqu’il s’agit de vaincre, il a forcément des ennemis ! Et puisqu’il doit triompher, il ramène tout à lui ! C’est une machine de guerre ! Si la joie, c’est écraser l’adversaire, elle ne dure pas évidemment !

     La lumière pourrait aider l’ego, qui ne sait pas se reposer, qui s’épuise, qui vit dans le chaos ou la nuit ! Mais, si la lumière dit à l’ego qu’elle peut l’aider, elle suggère qu’elle en sait plus que lui et que donc elle lui serait supérieure ! Elle ne fait que renforcer le dégoût et la haine de l’ego à son endroit ! La sollicitude, la bienveillance de la lumière produisent la fureur de l’ego ! C’est la catastrophe ! La supériorité de l’ego est ébranlée et par les fissures entrent la peur et l’angoisse de l’homme face à sa condition ! C’est la différence qui pénètre dans le château ! L’équilibre de l’ego n’existe plus, car il ne domine plus ! D’où la violence de l’ego, qui peut aller jusqu’au meurtre ! Plus l’ego s’est renforcé, fermé et plus sa réaction est vive, sa chute terrible !

     Il y a toutes sortes d’egos ! Il est des egos éclairés, qui reconnaissent la lumière, qui sont presque libérés ! Il est des égos comme des cochons, qui avancent vers la lumière en cherchant à l’écraser de tout leur mépris ! Il est des égos telles des pierres dressées, hermétiquement clos et morts ! Ce sont des maîtres qui pleurent dans la nuit ! Il est des egos vacillants, inconséquents, fuyants ! Tous n’aiment pas la lumière et cherchent à la blesser, pour la dominer ! Et la lumière doit supporter leur dégoût, leurs astuces, leurs coups bas et humiliants ! L’ego est dans la nuit et ne sait pas ce qu’il fait ! Sa haine est pourtant, aux yeux de la lumière, réglée comme du papier à musique ! La lumière n’en est pas surprise, ce qui stupéfie l’ego, car c’est une preuve de la supériorité de la lumière !

     La lumière est supérieure à l’ego, car justement elle ne cherche pas à le dominer ! Elle est libérée de l’ego et c’est ce qui fait sa force ! Elle ne juge pas l’ego, mais elle ne peut pas non plus ne pas en souffrir ! L’ego fait mal à la lumière ! Il veut triompher d’elle ! Il jubile quand cela arrive ! Il ne comprend pas qu’il fait là son malheur, qu’il s’enfonce encore plus dans la nuit ! Plus l’ego s’enivre et plus il a besoin de dominer ! Plus il est victorieux et plus il a besoin de victoires ! C’est jeter de l’eau sur du sable ! C’est vouloir des médailles contre l’angoisse ! C’est ne pas répondre aux questions ! C’est un standing, loin de la lumière, dans le chaos !

                                                                                                          2

     L’ego n’aime pas la lumière ! Il en est dégoûté dès qu’il la voit ! Car l’ego veut le pouvoir et qu’on l’admire, or la lumière ne peut admirer l’ego ! L’ego est une prison et la lumière est libre ! L’ego hait et la lumière rayonne ! L’ego est inquiet et la lumière sereine ! L’ego calcule et la lumière aime ! Comment la lumière pourrait-elle admirer l’ego ? Est-ce qu’un dauphin jalouse le scaphandrier ? L’ego, c’est l’individu en prison, uniquement penché sur lui-même ! La lumière, c’est la magnificence, la beauté du monde ! C’est le don et la force ! Comment la liberté pourrait-elle souhaiter les chaînes de l’ego ?

      Mais l’ego veut qu’on l’admire et qu’on s’occupe de lui, ainsi il sent son importance, son pouvoir ! Le pouvoir est son lait ! C’est ce qui le rassure et le nourrit ! C’est ce qui lui fait croire qu’il donne un sens à la vie et que celle-ci est normale ! L’ego instamment recherche le pouvoir, le sentiment de sa supériorité ! S’il rencontre un obstacle, si on ne l’admire pas, il hait et veut détruire ! Il ne va pas plus loin, comme l’animal charge et chasse le concurrent ! L’animal ne dit pas : « Il y a de la place pour deux ! » Ainsi l’ego est l’animal qui est en nous ! Ainsi les sociétés restent animales !

      L’ego, c’est la domination de l’individu, mais pour la lumière personne n’est roi ! Pas même le peuple ou le pauvre ! L’ego n’a pas de classe sociale ! Il est partout et vient de notre origine ! Ainsi le pauvre ou le peuple peuvent haïr la lumière ! L’ego, c’est le travailleur ou le riche ! Ainsi le communisme est contre nature, car le libéralisme convient à l’ego ! Mais la lumière ne veut pas du pouvoir, ni dominer ! Elle se réjouit de ce que la vie existe et de toute son étendue, qui est infinie ! La lumière n’a pas de frontières, ni même d’ennemis et elle comprend que la souffrance provient de l’ego, de l’ego qui s’enferme et qui refuse d’évoluer !

     Plus il a peur et plus l’ego est terrible ! Plus la situation est inquiétante et plus l’ego se renforce et se dresse ! d’où la montée des extrêmes (la droite comme la gauche!), d’où les intégrismes, les radicalismes, les populismes ou les nationalismes ! L’ego se replie sur soi et dénonce ses adversaires ! Son cauchemar peut être les capitalistes, les profiteurs, la mondialisation, l’Europe, les étrangers, les athées, les impies, l’industriel, etc. ! L’ego a ses coupables, ce qui lui évite de se remettre en question ! Il ne s’agit pas pour l’ego de se diminuer, puisqu’il vit de la domination ! Il obtient le pouvoir, en luttant contre celui-ci ! Il est violent contre la violence ! L’ego fustige l’ego, comme le chasseur se tire une balle dans le pied ! L’ego est dans la nuit !

     Mais comment l’ego blesse-t-il la lumière ? Mais de mille façons ! Dégoût, mépris, sournoiseries ! L’ego, dans ce domaine, est un représentant qui n’est jamais en panne d’idées ! Il faut toujours qu’il se sente supérieur et par exemple, il ne répond pas à la lumière, quand celle-ci lui explique quelque chose, comme si elle n’existait pas ou qu’elle était débile !

     La lumière dit encore au revoir ou merci dans le silence, ainsi qu’on aurait déjà été trop bon de lui parler ! La lumière est toujours perdante, face à l’ego ! C’est lui le maître ou la maîtresse et il est impossible de lui faire entendre raison ! Tout au plus, la lumière le calme, essaie de le faire sourire, mais l’ego fait tourner le monde autour de lui et appauvrit, désole la lumière !

     L’ego ne s’intéresse pas aux autres, il n’en est pas curieux ! Il se raccroche à son pouvoir, c’est son radeau sur le flot de la vie ! Pas question qu’il en descende ! La lumière visite les egos qui l’entourent, comme une gardienne de prison… Ils sont là dans leur cellule et n’ont aucune vision du monde extérieur ! Ils sont comme des disques rayés, puisqu’il est toujours question d’eux, et pourtant ils souffrent ! Mais ils ne veulent ni changer, ni écouter ! Leur tyrannie est leur malheur, car elle les prive de la connaissance !

     La lumière peut donner, au contraire de l’ego qui ne fait que prendre, et c’est pourquoi elle est chère à l’ego ! Deux égos ne peuvent pas s’entraider, ils se piétinent ! Mais l’ego apprécie le regard de la lumière, son intérêt pour lui est sincère ! Il en profite, mais la lumière, elle, a l’impression de nourrir des fauves ! Car l’ego ne paraît jamais satisfait et pourtant il dévore ! Il avale des bœufs entiers sans sourciller ! Il ne montre jamais qu’il prend plaisir ! Pour lui, ce serait déchoir, perdre du temps ! Remercier, c’est accorder de l’importance, de l’attention à l’autre, ce qui en fait moins pour soi ! L’ego ne sait pas vivre, ni se détendre, ni aimer et sous les yeux de la lumière, il va vers le pire ! Elle le voit se fatiguer, s’user, se détruire, se noyer ! Elle a les solutions, les remèdes, mais elle doit les garder pour elle ! Elle est le témoin d’un gâchis continuel, d’une tragédie stérile !

                                                                                                  3

     L’ego travaille, c’est ce qu’il dit et qu’il croit ! En effet, il est nécessaire de gagner son pain et l’ego a un emploi, se plie à des horaires, effectue des tâches contraignantes, subit du stress, contre un salaire, une protection sociale ! Puisqu’il n’est pas libre et remplit des devoirs, l’ego pense qu’il travaille et il fait même volontiers la leçon à la lumière ! Car celle-ci voit au-delà des apparences et relativise l’effort de l’ego ! Inquiet et gagné par la colère, car la peur engendre la haine, l’ego réplique sèchement, voire violemment !

     Il dit à la lumière et c’est quasiment toujours le même discours : « Toi, tu ne connais pas la vie ! On ne fait pas ce qu’on veut ! Comment crois-tu qu’on va payer ceci et cela ? Faut bosser, car on te f’ra pas d’ cadeaux ! » Les mots sont martelés et on assomme la lumière ! La peur est palpable, elle est transmise à la lumière, qui est plongée dans la confusion ! Car on dit à la lumière qu’elle se trompe, qu’elle n’a pas raison d’être, qu’elle doit absolument changer ! Or, la lumière n’a jamais voulu être quoi que ce fût ! Elle ne cherche pas à s’imposer, ni à commander ! Elle est ce qu’elle est et comment, dans ce cas, pourrait-elle s’anéantir ?

     Il y a donc quelqu’un qui n’est pas honnête et ce n’est pas la lumière ! C’est l’ego qui se ment à lui-même et aux autres ! La preuve ? L’ego dit que le travail est un devoir, une contrainte, or l’ego ne change pas, il n’évolue pas d’un centimètre ! L’ego garde tous ses plaisirs, toute sa haine, toute son impatience, toute sa soif de pouvoir, toutes ses illusions, tout son rêve, bien qu’il ne soit pas libre et qu’il travaille, comme il le soutient ou l’affirme ! Donc, le travail de l’ego ne gêne pas vraiment l’ego et son effort reste superficiel !

     L’ego travaillerait, mais il se ferait violence, il lutterait contre lui-même, il se transformerait en profondeur ! Voilà le véritable travail ! celui qui nous améliore, qui nous fait douter, qui nous apprend à contrôler nos pulsions, nos appétits, qui nous conduit au respect de l’autre et à la patience ! Voilà ce qui nous contraint réellement, qui mesure notre effort, qui montre que nous ne chômons pas, que nous sommes responsables ! Les sillons du front valent bien ceux des champs et en tout cas, ils sont aussi nécessaires ! Car l’ego ne permet pas la vie en commun, tandis que la lumière la favorise !

     Tant que l’ego reste l’ego, il ne travaille pas ! Il est comme l’arbre mort ! Il a beau montrer sa fiche de paye, se plaindre de ses horaires, de son patron, du gouvernement, des exploiteurs ou du temps qu’il fait, il n’est pas crédible ! Il peut certes subir des injustices, mais pauvre ou riche, il demeure un enfant gâté ! Que l’on songe déjà combien il est difficile de réfréner son impatience ! Qu’on se rappelle comment elle brûle le ventre ! La haine se dresse comme un serpent, elle siffle et veut frapper ! Qui a le courage alors de la rentrer dans son panier ? Il est tellement plus facile de lui donner libre cours !

     L’ego, lui, trouve sa haine juste ! Il trouve sa colère valable ! Il ne voit vraiment pas pourquoi il s’arrêterait ! Il ne sait pas se retenir, mais au contraire il pense avoir tous les droits ! C’est son apanage, sa marque de fabrique ! Et sa furie se déclenche ! C’est la tempête et malheur aux coques fragiles ! Mais, sous ce déchaînement, où sont les digues du doute ? celles qui résultent d’un long et patient travail intérieur ? Où est la vraie contrainte, la vraie évolution ? Où est le labeur viscéral, acharné, persévérant, humble, fidèle, d’autant qu’il est sans gloire, dans l’ombre, ingrat ? Qui a le cerveau crevassé comme la main du paysan ? Qu’est-ce qui est le plus amer, l’étendue salée ou l’âme qui souffre ?

     Or, l’ego ne change pas ses sentiments ! Au contraire, il en est très fier ! Il explique qu’ils sont parfaitement justifiés ! Il s’aime énormément ! Et il attend des autres de l’admiration ! Cela va de soi ! Il n’y a donc aucun travail intérieur chez l’ego, ou si peu ! La moindre critique provoque sa haine ! Il s’emporte et il dit qu’il travaille ! La lumière rit à gorge déployée ! Le véritable travail n’est-il le pas le travail de l’amour ? Seul l’amour a la force pour que l’individu change ! Seul l’amour ploie l’ego ! Ce n’est qu’en aimant que l’ego travaille ! qu’il sue sang et haut et qu’il s’améliore ! Au revoir salaires et horaires ! Au revoir grèves et justice sociale ! Au revoir profits et parades ! Au revoir bourse et puissance ! Tu veux du dur, du âpre, du fort ? Tu veux vraiment savoir ce qu’est travailler ? Aime !

     Tu veux vraiment être humain, être digne d’un salaire, mériter ton pain ? Aime ! Tu veux vraiment rire de l’ego, de ses colères ou de ses plumes ? Aime ! Tu veux vraiment être sérieux ? Aime ! Tu veux vraiment parler de justice ? Aime ! Tu veux vraiment la science ? Aime ! Tu veux vraiment être heureux ? Aime ! Le reste, c’est de l’enfantillage !

                                                                                                     4

     L’ego n’aime pas la lumière ! Il ne s’intéresse pas plus aux nuages, au bleu du ciel, aux fleurs, aux petits oiseaux ou au chant du ruisseau ! Tout cela ne l’émeut pas, lui fait juste hausser les épaules, de mépris, car l’ego n’aime et n’admire que lui-même ! L’ego ne recherche que l’ego, comme un chien de chasse renifle la piste, car c’est l’ego qui est le repère de l’ego ! C’est l’ego vaincu, qui baisse les yeux ou qui est séduit, qui dit à l’ego qu’il existe et qu’il est supérieur ! Ainsi les villes s’étendent indéfiniment, car la nature n’a pas d’ego ! Elle lui est inutile, sauf pour être exploitée ! Ainsi l’ego détruit sa planète, car elle n’est pas son miroir !

     La nature est broyée par l’ego, car il ne la comprend pas ! Au contraire, elle lui fait peur ! L’ego n’aime pas le silence, car ce n’est pas de l’ego ! L’ego n’aime pas attendre, car ce n’est pas de l’ego ! L’ego hait l’anonymat évidemment ! L’ego veut toujours sentir sa puissance et c’est pourquoi il crie, il hurle, il casse, injurie, etc. ! C’est le bruit et l’agitation sa perfusion ! Ainsi on bétonne tout le temps, ainsi les chantiers sont sans fin, ainsi règnent le chaos et la violence, ainsi nous sommes comme des barques emportées par la tempête ! L’ego ne sait ni se retenir, ni admirer ! Il n’a pas d’équilibre ! Nous nous dévorons les uns les autres, car nous ne savons pas rester tranquilles !

     L’ego n’aime pas la nature, car elle l’angoisse, et pourtant il réclame à corps et cris qu’on la sauve, qu’on la protège ! Que ne change-t-il d’abord lui-même ? Mais crier, combattre plaisent à l’ego, car c’est de l’ego ! L’ego se fait valoir à travers la lutte : c’est de lui qu’on parle et il est sur le devant de la scène ! Ainsi l’ego se sert du pauvre ou de la nature ! Mais que ne change-t-il d’abord lui-même ? Qu’il reste devant un arbre, qu’il suive son écorce et son feuillage et qu’il respire en prenant conscience de cette grandeur, de cette force, de cette paix ! Mais l’ego est déjà parti, tout ce qui est immobile l’ennuie, car ce n’est pas de l’ego ! La fleur, l’abeille qui bourdonne au-dessus, ne parlent pas de l’ego ! La beauté de la nature invite l’ego à se dépasser, à voir plus grand que lui, d’où son ennui et même sa haine ! L’ego, c’est le serpent qui avale sa queue et ainsi nous nous condamnons !

     L’ego est effaré par la lumière ! « Comment ? Comment tu ne t’énerves pas ? crie l’ego à la lumière. Comment peux-tu rester aussi calme ? Il y a mille choses à faire ! Il y a urgence ! Si tu ne fais rien, le loup te mangera ! » La peur de l’ego vient sur la lumière comme un lance-flammes ! Mais la lumière n’a pas peur, pourquoi aurait-elle peur ? Elle connaît le temps des nuages, la caresse de la mer, l’or des fleurs ! Où est la peur dans la beauté ? La lumière apprend en admirant ! Si la lumière n’a pas peur, c’est parce qu’elle n’est pas de l’ego ! Son temps, son échelle sont celui de la beauté ! La lumière est patiente, quand l’ego est déjà inquiet de sa supériorité ! L’ego a peur quand il ne contrôle pas, qu’il n’est pas le chef, qu’il ne soumet pas ! Voilà son souci, sa peine, sa soif et c’est pourquoi la lumière ne s’énerve pas, car ce sont des problèmes d’ego ! Que l’ego change et il connaîtra la paix de la lumière !

     Mais cela ne fait pas l’affaire de l’ego ! C’est lui qui doit gagner et vaincre ! Et le voilà en campagne, en train de s’agiter et de faire du bruit ! L’ego se sert des pauvres, de la nature, de l’économie, de l’emploi, de tous les prétextes possibles et surtout de la nécessité, puisqu’il y a urgence ! L’ego nous explique qu’on n’a pas le choix, qu’on doit agir comme il le dit et il se confond parfaitement avec la nécessité ! L’ego est un martyr du devoir, derrière lequel il disparaît ! A en croire l’ego, lui-même n’existe pas ! Il est seulement le messager de la nécessité ! Et puis voilà qu’il se scandalise, qu’il hait, qu’il rugit, qu’il s’emporte quand on ne lui obéit pas ! Qu’est-ce qui crée sa colère ou sa peur ? C’est qu’il n’arrive pas à vaincre, qu’il est impuissant et qu’il perd donc le sentiment de sa supériorité ! C’est l’angoisse qui arrive, quand il doit attendre, qu’il est placé face au vide, de même que quand il est devant la nature et son apparent néant ! L’ego ne supporte que l’ego et c’est pourquoi nous détruisons la beauté du monde !

     L’ego peut devenir lumière : il lui suffit d’admirer la nature ! Lentement, l’ego s’y apaise et s’y dissout ! L’ego se change en lumière, sous l’effet de l’alchimiste nature ! La paix le pénètre... Mais il n’en veut pas ! C’est se diminuer ! L’ego veut du bruit et de la fureur ! Il veut la flamme qui l’enchante et qui pourtant le consume ! C’est tellement bon, tellement rassurant ! Il faut de la haine et des grands projets ! Il faut paraître et dominer ! Le culte de soi est en marche ! Tant pis pour les esclaves, les vaincus, les morts ! La justice, c’est celle du plus fort ! Notre sang, c’est le mépris ! Dans les villes ruisselle l’ego ! Abruti, il y chante sa nuit ! Il y tire son char, en suant ! Il rêve de détruire ! Il est fermé et pourtant gavé ! Il est dans son cauchemar ! Il ignore le vent et le ciel bleu ! Il préfère l’acier du couteau, le fer du regard !

     Il ne veut pas de la lumière, ni de la beauté ! Il tourne dans sa prison !

                                                                                                       5

     Comment la lumière pourrait parler avec l’ego ? Comment pourrait-elle lui dire ce qu’elle voit ? L’ego croit qu’il fait le bien, qu’il donne le meilleur de lui-même, qu’il a raison d’être ambitieux, qu’il va réussir, qu’il représente l’intérêt général, etc. ! Il ne comprend pas la lumière ! Que lui reproche-t-elle ? L’ego est outré que la lumière puisse le juger ! Il monte sur ses ergots et il est vrai qu’il travaille, qu’il nourrit sa famille, qu’il a des responsabilités et qu’il est comme le plus grand nombre ! Il est normal, c’est la lumière qui est malade ! Ce n’est pas l’ego qui est amoureux de lui-même, c’est la lumière ! Ce n’est pas l’ego qui est l’ego, mais la lumière ! C’est elle qui est égoïste et qui ne pense qu’à elle !

      Effectivement, la lumière a l’air seule, différente, comme si elle n’était pleine que d’elle-même et qu’elle se chérissait plus que de raison ! Mais la lumière dérange, n’est pas séduite, n’obéit pas à l’ego, lui résiste, alors elle suscite sa haine et c’est elle qui fait le mal ! L’ego ne veut pas se voir tel qu’il est ! Il a besoin du secret, des apparences ! Il a besoin de se plaindre, de dire qu’il souffre, qu’il est une victime ! Il ne va pas avouer qu’il aime le pouvoir, mais il commande pour aider l’autre, faire le bien de tous ! Il s’excuse de son égoïsme en défendant une noble cause ! Il piétine ses adversaires, car son but est élevé ! Il est impatient, méprise, écrase, avec les meilleures intentions du monde ! Ainsi il nie son plaisir, pour mieux le satisfaire ! C’est cette hypocrisie, cette avidité, cette jouissance, ces privilèges que voit la lumière ! Il tend à l’ego un miroir, qui lui donne un choc électrique !

     Comment la lumière pourrait-elle parler à l’ego ? Dans le meilleur des cas, l’ego tombe des nues ! Il est sincère, il n’imaginait pas blesser autant, être si mauvais et il découvre un autre monde : la lumière lui a dessillé les yeux ! Mais le plus souvent, la réaction de l’ego est brutale ! Il discute, il accuse, il s’emporte ! Il explose aussi ! Il perd toute mesure ! Son monde s’écroule : il a des plaisirs, première nouvelle ! Il n’aime pas, ne respecte pas, mais méprise, lui qui se croyait altruiste, au service du plus grand nombre ! Il est égoïste, alors qu’il se voyait généreux ! Il n’est pas admirable, alors qu’il se sentait important ! Peu à peu, la lumière déshabille l’ego et il a l’impression que tout lui échappe, qu’on ouvre le sol sous ses pieds ! C’est trop pour l’ego, qui rejette la lumière et l’enterre ! Somme toute, l’ego aura croisé un cauchemar et il reprend ses jeux !

     Qui a raison ? Il y a tout de même une grande différence entre l’ego et la lumière ! L’équilibre de l’ego est faux ! C’est ce qui explique les crises de nos sociétés, alors que nous avons tout, et la destruction de la planète, bien qu’elle nous condamne ! L’équilibre de l’ego est faux, car il n’existe pas ! Il faut toujours que l’ego domine, sinon il angoisse, et il lui faut donc toujours des victimes, des coupables ! Jamais l’ego ne se repose vraiment et il vieillit donc vite ! Il est toujours aux aguets, car il vit du sentiment de son importance ! Il est inquiet ou en colère, dès qu’il se sent inférieur, et s’il n’a pas l’autorité, il lutte contre elle ! Son hypocrisie fait qu’il est impossible de résoudre véritablement les problèmes ! Le monde moderne tourne en rond, se déchire, n’apprend rien et refuse de voir son absurdité !

     La lumière, elle, se nourrit d’elle-même ! Elle a sa propre paix ! Elle n’a pas besoin de dominer et elle garde ses forces ! Son assurance est stable et ne dépend pas des autres ! La lumière est patiente, car elle est confiante ! Par son amour, elle a appris à ne pas avoir peur ! Elle peut donc donner, car elle ne prend pas ! Elle n’a aucune raison de s’énerver ou de piétiner ! Elle ne cherche pas à supplanter, ce qui fait qu’elle ne se fatigue pas ! Elle est aussi inquiète que le ciel bleu ! Elle comprend l’ego, mais l’inverse n’est pas vrai ! L’ego la hait, mais l’inverse non ! L’ego la méprise, mais l’inverse non ! L’ego voudrait la force de la lumière en restant l’ego, ce qui est impossible ! L’ego veut qu’on s’occupe de lui, la lumière ne se sert pas des autres !

     L’ego crée le chaos et fait peur ! La lumière rassure et apaise ! L’ego crie son amertume, la lumière donne de l’espoir ! L’ego est une machine, la lumière une source rafraîchissante ! L’ego vit dans une boîte à chaussures, la lumière touche l’éternité ! L’ego est sans pitié, la lumière ne condamne pas ! L’ego est plein de soupçons, la lumière comme le cristal ! L’ego s’enfonce dans son malheur, la lumière se réjouit d’être !

     La lumière tend la main à l’ego : il suffit d’aimer, ce qui fait qu’on se dépasse, en renonçant à soi ! Mais comment un amour pourrait-il nous appauvrir ? Il ne peut que nous enrichir, mais l’ego a tellement peur et d’abord peur d’en perdre une miette, qu’il rejette la lumière et la méprise ! Il préfère se crisper dans son cercueil ! Il préfère pleurer dans la nuit ! Au moins comme ça il reste le chef et on ne l’aura pas ! La belle affaire, l’ego est mort et il ne le sait même pas !

 
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