Du tyran du dimanche

  • Le 06/01/2019
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Du tyran du dimanche

 

 

 

    Beaucoup de gilets jaunes ont un "cœur" et en cela ils sont un peu plus lucides que la plupart de leurs adversaires! Ils veulent une société plus juste, moins égoïste, et ils voient bien qu'il s'agit de donner un véritable sens à sa vie, et non de "parader" socialement, avec une voiture plus grosse et une maison plus vaste!

    Ceci étant, les mêmes gilets jaunes ne comprennent pas que, si le système est égoïste, c'est d'abord parce nous sommes, nous les humains, d'abord instinctivement égoïstes; ce qui veut dire que tout système, toute société, tout gouvernement seront toujours plus ou moins égoïstes; d'autant que, pour gagner le pouvoir, il faut avoir un égoïsme encore plus fort que sa bonne volonté!

    C'est cet instinct que nous allons une nouvelle fois démontrer dans cette chronique, qui parlera du tyran apparemment le plus banal, le plus inoffensif, celui qui se promène en famille le dimanche, qu'il soit le "juste" qui fait vivre les siens ou celle qui l'accompagne, le soutient et qui parfois joue son rôle!

    Mais cela ne veut pas dire non plus qu'il est vain de combattre la société, pour qu'elle soit plus équilibrée! Et certaines demandes des gilets jaunes sont tout à fait intéressantes et fondées! Vouloir une baisse des salaires des élus est pertinent, car ceux-ci, afin d'obtenir leur poste, se présentent comme les serviteurs du pays et de la population! Avec une telle noblesse dans le dessin, on ne comprendrait pas qu'ils veuillent s'enrichir, ni même dominer leurs contemporains! Le sens de leur réussite ne devrait même pas les effleurer! Et ils devraient être totalement enclins à montrer des preuves de leur dévouement et de leur désintéressement, en se contentant de ce qui est juste nécessaire pour vivre! Ainsi leur sagesse atteindrait celle de certains personnages romains!

    C'est assez compliqué tout de même, car les mandats sont courts et être réélu est très aléatoire, mais un débat, pour savoir quel revenu attribuer aux élus, placerait ceux-ci devant leurs propres contradictions! Ont-ils voulu le pouvoir ou bien aider les gens? La politique est-elle un métier ou le chemin d'un idéal? Evidemment, nous sommes tous multiples, complexes, mais, si on veut demander des comptes aux autres et notamment aux plus faibles, on se doit d'être soi-même un exemple de probité, de courage et de retenue! Que pour la "chasse aux allocataires", chacun est au moins un permis en bonne et due forme!

    Hélas, de ce côté, c'est l'omerta, la dignité offensée! Le pouvoir est un mur de respectabilité, au nom sans doute du respect des institutions, de l'ordre! Voilà pourquoi, entre autres, on en est à vider son sac dans la rue! L'élu est important et méprise le rustre gilet jaune! L'élu a un fonctionnement, dans un endroit prévu pour cela; tandis que le gilet est à moitié vagabond et ignorant! 

    Mais la cavalerie arrive, car voilà les foulards rouges, qui appellent à manifester contre les gilets jaunes, pour la fin du mois et dont le slogan semble être: "Bon, ça suffit maintenant!" Ce sont des dominants qui sont las d'être dominés, plutôt que des supporters du régime de Macron! Car, comme nous l'avions prévu, occuper longtemps le devant de la scène crée chez ceux qui regardent un agacement, une jalousie, qui devient de la haine!

    Attirer à soi l'attention, même si c'est pour la plus noble cause, diminue inévitablement l'intérêt que les autres se portent à eux-mêmes, et celui-ci est d'autant plus vif que l'individu est ambitieux ou tyrannique! Evidemment, les foulards rouges parleront de défendre l'ordre et leur confiance dans le gouvernement, mais leur véritable motivation est de prendre la place des gilets jaunes, afin que ceux-ci disparaissent de l'actualité!

    Nous sortons de chez nous et tout aussitôt, nous subissons le regard haineux d'un cycliste!  Que se passe-t-il? Mais nous portons innocemment un document dans une chemise jaune! Le ressentiment de certains est incroyable, et nous espérons que les poubelles jaunes seront laissées tranquilles! Remarquez que le mouvement des foulards rouges aura moins de succès que l'autre... En effet, à quoi ressemble-t-on avec un foulard rouge, sinon à un communiste en culottes courtes! Tandis que le gilet jaune suggère une urgence, comme si la société était en panne sur le bas-côté!

    Des affrontements sont à craindre et ils seront d'autant plus violents que l'amour-propre affleure, tant les idées sont maigres! Nous pourrions voir des "combats de coqs", qui mêlent eux aussi des couleurs éclatantes!

    Mais d'autres se dressent aussi, tels les squelettes de Jason et les Argonautes; ce sont les enseignants, qui se considèrent comme les grands oubliés du système et qui se nomment les stylos rouges, comme s'ils notaient la société!

    Les médecins vont bientôt les rejoindre, dans la contestation, car leur autorité est bafouée, bien qu'ils l'ignorent encore; mais nous y reviendrons!

    Mais ainsi évolue l'humanité..., car ce qui porte l'idée, c'est d'abord la domination; le point de vue ne s'impose pas sans l'individualité, ce qui fait qu'il n'y a pas de progrès sans passion et il faut le lent travail de la raison pour le rendre universel!

    Mais entrons dans notre sujet... C'est dimanche et après un bon déjeuner, on va se promener, "prendre l'air", car c'est hygiénique et il ne s'agit pas de rester "enfermé". Mais aussi on pourra dire qu'on a fait telle ou telle chose, qu'on est allé voir ceci ou cela, et notre dimanche, surtout aux yeux des autres, en paraîtra moins vain!

    Cela nous renvoie un tant soit peu à la dure question de Saint-Exupéry, au sujet des hommes: "Mais que font-ils de leur affreux petit dimanche?" Evidemment, pour un aventurier, un pionnier de l'aéropostal, et encore plus pour un idéaliste, épris de droiture ou pénétré par le devoir, la promenade dominicale ne peut qu'apparaître fade et être traité avec mépris! Mais nous ne manquerons pas un jour d'écrire une chronique sur l'auteur du Petit prince, qui eut somme toute un parcours douloureux!

    Cependant, on prend généralement sa voiture, pour aller dans un endroit réputé, car on ne cherche pas à être original; les efforts étant réservés pour le travail! Pour certains, le but sera telle forêt, telle montagne, tel parc et pour nous, ce sera un bord de mer, puisque c'est la chose que nous connaissons le mieux!

    Mais la dune ressemble ainsi à un parking et même si elle a été aménagée pour cela, cette palette criarde de carrosseries, si près de l'immensité bleue, ne laisse pas de choquer l'œil et de désespérer celui qui aime la nature pour ce qu'elle est! Mais ce n'est pas le cas de notre promeneur du dimanche, nullement troublé par l'affluence, et qui avec les siens commence son petit tour.

    En fait, la beauté du spectacle n'est considérée que quelques minutes et elle ne devient plus qu'un cadre pour la conversation du promeneur... Il faut toute la démesure de la mer déchaînée, pour qu'il reste muet et contemplatif, ainsi que l'image de la télévision, bougeant sans cesse, fixe l'enfant!  

    Mais, pour l'instant, la mer n'a pas une ride et chacun avançant d'un pas tranquille, on pourrait trouver le tableau idyllique. Mais, si on y regarde de plus près, on est vite troublé par certaines attitudes! Ainsi, certaines familles sont précédés de grands individus, qui sont les pères, les oncles ou des amis... Mais ils marchent comme s'ils participaient au génocide rwandais, ou comme des islamistes en colère! Il y autant d'arrogance et de menaces chez eux et la différence, qui vient à les croiser, n'a qu'à bien se tenir!

    Puis viennent les femmes; en apparence curieuses, ouvertes, douces; mais malheur à celui qui fera mine de critiquer leur progéniture ou leur mari! Il verra devant lui se dresser un serpent à sonnettes!

    La famille est la vitrine de la femme et bien des hommes l'ignorent, trop penchés sur eux-mêmes! Par ailleurs, la femme, au cours de ces promenades, joue un jeu subtil avec les pouvoirs... Tantôt elle appuiera son beau-père, qui croit qu'il faut prendre à droite... Tantôt c'est à son mari qu'elle apportera son soutien, alors qu'il dit que c'est à gauche! Cela dépend de la manière dont on s'est comporté avec elle... Sans en avoir l'air d'y "toucher", elle pose des défis très sérieux et blessants!

    Laissées entre elles par contre, des femmes sont intarissables sur les choses les plus futiles!

    Mais voici les enfants... et on peut en distinguer deux sortes! Il y a l'enfant qui boude, parce qu'on lui avait permis de regarder telle série et qu'on l'a finalement "chassé" de son fauteuil! On l'a trahi! Et il y a l'enfant "lèche-cul", si on ose dire, qui ne cesse de poser des questions à son papa ou à sa maman, avant de s'enchanter de leurs réponses! Celui-là ou celle-là, qui sait déjà donner de l'importance aux grandes personnes, aura bien mérité une part de gâteau supplémentaire... et, à moins d'un accident, réussira dans la vie!

    On le voit, sous la surface, règne une certaine tension, qui peut prendre des dimensions vertigineuses! Par exemple, un père est en train de bouillir... Il veut expliquer à son fils et même à la cantonade, en parlant fort, ce que sont les colombins que l'on voit par milliers sur le sable... Alors qu'il se lance dans une explication hésitante, un oncle se moque de lui en disant qu'il ressemble à Jamy, l'infatigable apôtre de la science, à la télévision!

    Cela fait rire le fils, dont on a capté l'attention, en évoquant son monde; mais pas du tout le père frustré! En voyant sa peine, le fils demande: "Mais où sont les couteaux, papa?" Mais c'est encore trop tôt pour le père, qui est encore sonné; d'ailleurs il ne saurait quoi répondre... A cet instant, mais le groupe ne s'en aperçoit pas, un couteau envoie un petit jet hors de la vase, comme pour dire: "Ici, je suis ici!" 

    Une femme passe, comme un guide, avec du monde derrière elle. C'est une personne volubile, qui décrit chaque chose, qui explique tout ce qu'elle voit. Elle ne souffle à aucun moment et on se demande comment les autres la supportent!

    Une autre prend ses enfants pour des robots: "A droite! Maintenant à gauche! Ne prends pas ça! Dis bonjour au monsieur!" Elle est comme une main invisible sur l'enfant; sa domination est sa canne! C'est une aveugle au bord d'un précipice!

    Mais c'est l'amour-propre qui tient les ficelles de notre être; c'est la conscience de nous-mêmes qui fait notre équilibre! Voilà pourquoi il est si important que nous nous sentions aimés, approuvés, respectés! Les traumatismes créent les névroses, qui à chaque fois qu'elles se manifestent, même de la façon la plus légère, nous font vaciller, nous rendent raides, interrompant notre harmonie, détruisant notre force!

    C'est la patience qui nous aide à maîtriser notre amour-propre, à contrôler sa flamme; de sorte que nous soyons sans tyrannie, sans haine, sans besoin de dominer! Celui qui parvient à se vaincre est paisible, doux; il n'est pas inquiet de perdre son tour; il n'est pas avide, brûlant, impatient, prompt à la colère!

    Plus l'amour-propre est vif, plus il souffre! Plus il a peur! Plus la domination est la seule source de son équilibre et plus il a besoin de la tyrannie! Le tyran ne marche qu'en dominant, c'est son seul repère! Autant dire qu'il est vide! S'il ne domine pas, il est troublé et s'écroule! Il ne connaît pas l'harmonie, ni la joie, ni la force! Il n'existe pas, ou si peu!

    Celui qui est blessé peut guérir! Nous sommes ce que nous pensons! Et ce qui est important, essentiel, est ce que nous pensons de nous-mêmes, nullement ce qu'en pensent les autres! Celui qui est sûr de sa pensée est inattaquable, inaltérable! La sagesse rend sûr de soi, pas la tyrannie, pas la domination!

    Il faut donc se livrer à la patience! Elle nourrit notre savoir, nous fortifie, nous rend immortels! La sagesse est le cœur de Dieu, mais qui est Dieu?

    Celui qui vit dans la sagesse rayonne! Il est de l'eau vive! Il est une fourmi et un aigle! Un mendiant et un richard! Il est le vent comme la pierre! Chaque jour, il s'affermit! Chaque jour, il progresse; il est toujours plus haut, plus vaste!

    Le tyran s'agite, se fatigue, se perd! Il a peur ou il brise! Il ne connaît pas la paix! Sa joie est éphémère; il a besoin d'excitation! Il est inquiet, il rumine; la haine ne le quitte pas, c'est sa conseillère!

    Le tyran du dimanche finit par se fâcher! Ses enfants l'agacent! Le voyage est trop long, les autres conducteurs incompétents, dangereux! Il est bientôt épuisé, avant de commencer la semaine! Il ne sait pas pourquoi et il laisse des victimes dans son sillage!

    Le sage a de moins en moins peur, comprend toujours davantage et existe de plus en plus!

 
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