De l'orgueil

  • Le 27/07/2019
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De l orgueil

 

 

 

    L'orgueil est ce qui a fait le succès de la Genèse, de sorte que toute la chrétienté le considère encore comme le péché principal, à l'origine sans doute de tous les autres! En effet, quand nous cherchons à comprendre le commencement du monde, selon la vision du peuple juif, nous nous sentons concernés par l'histoire d'Adam et Eve, parce qu'elle touche éminemment notre amour-propre! Elle éveille en nous en un écho certain, car elle révèle un désir de dominer, elle raconte une ascension, même si celle-ci avorte!

    Adam et Eve veulent devenir les égaux de Dieu, avoir sa puissance et nous cherchons tous d'abord à nous imposer, à montrer notre valeur ou notre supériorité! C'est notre première croissance, issue de l'individualisation des espèces et du besoin de dominer des animaux... Les Juifs ont donc vu juste, mais à l'époque ils ne situent leur origine que dans les limites de leur histoire et il n'est pas question bien entendu de l'Evolution!

    Ils ont donc inventé le diable, car la domination devait bien venir de quelque part... Puis, Adam et Eve commettent le péché d'orgueil et sont chassés du paradis! Ce qui est grave, c'est de continuer à croire à une telle fable aujourd'hui; car notamment c'est prendre Dieu pour un être mesquin et même sadique! De même, les Juifs vont se voir en peuple élu et c'est quasiment un réflexe, car ils sont entourés d'ennemis et tout sentiment qui exalte leur valeur renforce aussi leur cohésion et assure leur défense!

    Mais comment croire que Dieu puisse aimer des individus plus que d'autres, à cause de leur nationalité? Serait-il le premier raciste de l'histoire? Serait-il infiniment borné? Mais il ne s'agit pas ici d'entrer en conflit avec les Juifs qui voient encore Dieu avec la rapacité d'un propriétaire terrien, puisqu'il n'accordera son pardon que si on lui remet dans la corbeille la Palestine tout entière! Notre sujet est bien l'orgueil, car il est le baromètre par excellence de notre domination!

    Cependant, on peut encore comprendre que la Genèse soit née autour du feu, pour mettre en garde ceux qui voudraient s'affranchir de l'autorité du clan... Ils seraient bannis, car ils mettraient en danger l'ensemble! C'est une histoire très imagée, destinée à des esprits simples... Le serpent y joue le rôle du traître, du danger et ça tombe bien, puisqu'on doit s'en méfier! L'ordinaire, constitué d'efforts et traversé de peines, trouve là son explication et le pouvoir des chefs en est étendu, par le sentiment de sa propre culpabilité... Il n'y a nulle part où aller, avec le boulet de sa faute, et la lignée est respectée! C'est un conte moral!

    Mais, si le peuple juif aujourd'hui devait prendre en compte totalement l'Evolution, il serait sûrement l'objet d'une remise en cause radicale, ce qui ébranlerait ses fondations... Pourtant, il n'y a pas de libération sans modernité, sans progrès! Chaque message religieux est une étape dans la connaissance, car nous ne sommes pas figés, pour approcher l'infini de Dieu! Que le passé nourrisse nos racines, c'est une évidence; mais se développer, c'est aussi inventer la vie et le gardien des textes réduit Dieu lui-même! Ah! Mais ainsi il ne perd pas sa domination, alors que c'est bien l'orgueil qui est visé! Duplicité du pouvoir!

    Mais nous voulons être heureux en dominant, ce qui est impossible; ne serait-ce que parce que l'orgueil nous tient lieu d'œillères... La domination nous empêche de voir le monde tel qu'il est, car nous le voulons alors à notre image, à notre botte pour parler plus crûment! L'orgueil nous dresse devant le médecin, en nous faisant crier: "Je ne suis pas malade!" Il n'est pas question d'avoir le sentiment de déchoir, en avouant son trouble! Nous refusons donc le remède par fierté! Nous préférons notre errance, quitte à parader au soleil et à gémir dans l'ombre!

    Bien entendu, nous pouvons aussi nous mentir jusqu'au fantasme, comme les gilets jaunes les plus violents, qui voient un Etat comploteur, avec une police qui lui obéit au doigt et à l'œil! L'ange lève son épée contre le monstre des ténèbres et lui demande d'un voix solennelle: "Où est Steve?"; comme si quelqu'un s'était soucié jusqu'à présent de celui-ci!

    Mais nous sommes prêts à tous les mensonges, à toutes les forfanteries, pour ne pas voir la réalité, ni se regarder en face: s'inventer un ennemi est une vieille solution de facilité! La domination fait de nous des marionnettes; l'orgueil nous aveugle et nous prive des véritables solutions! Nous voulons bien apprendre, mais sur des sujets qui nous sont étrangers, dans lesquels notre ignorance est normale; tel blog sur la finance connaîtra soudain un franc succès!

    Par contre, que l'on vienne "fouiner" dans nos comportements, "renifler" notre intérieur, nous conseiller d'aérer ou nous dire comment marcher, ça non! Pas question! Mais pour qui on se prend? Notre orgueil s'émeut, s'insurge, devient tout rouge, tandis que la haine nous décompose! Plus la domination est forte, plus l'envie de meurtres devient palpable! Nous voilà comme des chiens enragés!

    Pourtant, le sage qui parle ne veut supplanter personne; ce qu'il dit est universel, il exprime des lois générales, qu'il a lui-même apprises parce qu'il ne se sentait nullement supérieur! Au contraire, la sagesse l'a rempli d'autant qu'il était vide et on peut même dire rien! Que craint l'orgueil devant un maître qui n'en est pas un, qui ne demande pas à l'être? Un piège? Il y a anguille sous roche?

    Disons plutôt que l'orgueil est comme une sorte de maladie, qui fige, qui enivre et qui se révèle de plus en plus difficile à guérir plus le temps passe; car l'angoisse y creuse un abîme! C'est le monde de notre domination qui nous en protège, d'où sa vitesse, son énervement, sa peine ou sa folie! Puis, la mort nous rejoint, scellant une vie à laquelle nous avons été incapables au fond de donner un sens!

    L'orgueil peut mourir pavillon haut, dans une ultime fanfaronnade; cela fait partie de sa légende, mais le plus souvent, c'est la peur et le désespoir qui accompagnent notre "sortie"!  La sagesse est là, mais on ne veut pas la voir! à moins d'être à terre, et encore! Nous n'écoutons pas! Nous avons soif, mais nous méprisons le verre d'eau! Nous sommes des caïds, n'est-ce pas! C'est nous qui savons, pas le sage! Eh! Dame, c'est que nous avons vécu! Il était où le sage, en 14, quand la boue noyait les tranchées?

    La querelle, le malentendu entre le sage et le tyran semble sans fin! Mais voici un bel exemple de situation théâtrale, digne de Molière, avec des médecins imaginaires, de faux remèdes, des cris dans la rue et de sévères cognes! Que les trois coups résonnent, que le rideau se lève!   

    Mademoiselle X ne travaille pas, d'abord parce qu'elle est fortement dominatrice et qu'elle aurait bien du mal à supporter d'être commandée! Nous avons aussi connu un monsieur Y qui avait tellement de hauteur qu'il considérait comme une honte le travail et il est vrai encore qu'il ne savait ni dire s'il vous plaît, ni merci: il en eût eu la bouche écorchée!

    Ensuite et c'est à sa décharge, mademoiselle X a déjà une santé fragile... Elle a la taille d'une crevette et sa lumière reste parfois allumée toute la nuit. Elle crie encore durant son sommeil et une nature prématurément traumatisée apparaît! Cauchemars, dépression, claustrophobie, nerfs à vif sont quelques uns des problèmes de mademoiselle X, qui, on le voit sur son visage marqué, a déjà bien dû combattre dans la vie, contre la galère ou des adultes violents!

    Toujours est-il que mademoiselle X est un mélange d'égoïsme et d'inadaptation et que seul le RSA doit assurer sa subsistance... Elle est logée par le CCAS dans un appartement qui ressemble à un garage aménagé et qui est facilement accessible à partir de la rue; ce qui est tentant pour les nombreux ivrognes qui passent par là, jeunes et vieux, et il faut reconnaître à mademoiselle X un courage certain pour habiter et même pour rester digne dans un tel lieu!

    Cependant, un chien aide mademoiselle X dans sa tâche et le mot n'est pas trop fort, puisque la journée de mademoiselle X pourrait sembler épique! Mais, ici, il faut revenir sur un principe qui nous est cher et qui veut que la plupart trouve son équilibre dans sa domination, dans sa conduite animale, pour enfoncer le clou! Mais comment ne pas avoir peur de la vie, quand on ne peut pas dominer, quand on n'en a pas les moyens?

    En effet, mademoiselle X ressemble au prisonnier de la célèbre série télévisée... Veut-elle prendre le train, pour échapper à la chaleur suffocante de la ville? Elle est immédiatement rattrapée par la bulle orange de son découvert! Avec 400 € par mois, si on termine le 31 peint en vert, au 30 ou 31 suivants on est toujours en vert! Rien ne change et il faut faire attention quand on se mouche: on pourrait réveiller le dragon de la banque!  

    Mademoiselle X voudrait bien sans doute éclabousser de sa classe les hommes qui se pavanent, ne serait-ce que parce qu'ils ne valent pas grand-chose; on la comprend, mais elle sait qu'elle serait alors regarder comme une demi-folle! Elle est lucide et si elle peut bien dominer son chien, celui-ci, malgré quelques incartades, est trop heureux d'obéir et souvent il étouffe sa maîtresse!  

    Sans la contrainte du travail, qui empêche aussi de trop réfléchir, mademoiselle X offre donc une cible de choix à l'épouvante! Le sentiment de sa valeur est absent au réveil! Qui est-elle? Que peut-elle faire dans la journée qui lui donnera de l'espoir? L'angoisse est dans le lit de mademoiselle X, quand elle reprend peu à peu conscience... C'est un monstre froid, qui pèse une tonne, ce qui fait que mademoiselle X n'ouvre ses volets qu'à midi, et encore avec l'impression qu'on a raboté sa tête, et très vite elle s'énerve après son chien! C'est encore la peur qui agit et qui depuis longtemps a donné à mademoiselle X une voix criarde!

    Pour se calmer, elle dispose apparemment de trois remèdes: la télé, qui maintient dans l'enfance; l'alcool qui rend agressif, et le pétard, qui amplifie la dépression et marginalise encore plus! L'ombre de Sarkosy montre du doigt et clame encore: "Oui à la solidarité, non à l'assistanat!" Mais l'ancien président payait les disques de sa femme, en puisant dans la Caisse des dépôts, l'épargne des Français! Comment le savons-nous? Mais "Quelqu'un nous l'a dit", évidemment!

    Cependant, l'été arrive, avec les jours les plus longs de l'année et une pulsion sexuelle forte, ce qui nous pousse à dominer, soit par la séduction, soit par la puissance physique, selon qu'on est un homme ou une femme. Mais surtout la lumière met à nu notre quotidien et révèle notre angoisse, que nous combattons instinctivement en nous rengorgeant et donc l'été est peut-être la saison de l'orgueil par excellence! Mais par quelle pirouette mademoiselle X va-t-elle désormais supporter le vide de sa vie, qui a pris des proportions abyssales?

    Voyons... Elle fréquente les cas sociaux et en repère deux, un jeune et un vieux, qui sont dans l'attente d'être logés par le CCAS. Mais pourquoi ne les dépannerait-elle pas, en les hébergeant momentanément? Elle mettrait fin de cette façon à sa solitude... et elle aurait le sentiment de dominer, d'être importante, auprès de personnes qui sont encore plus dépourvues qu'elle! Ce que c'est tout de même que de travailler du chapeau! Mais voilà nos trois compères installés comme des cerises dans un tube à essai!

    Malheureusement, le plus vieux a des problèmes psychologiques; il ressasse de vieilles histoires; l'empire des fourmis lui aurait fait du mal... et soudain, au bout de quelques jours, il cogne la tête du plus jeune contre l'évier! Mademoiselle X s'en émeut et hausse la voix pour faire impression, mais elle est prise par le bras et une valse forcée l'envoie dans la rue; où elle crie qu'on appelle la police et c'est là que nous intervenons, car nous sommes le voisin; nullement parce que nous goûtons particulièrement les gens violents!

    Mademoiselle X est choquée et ne peut elle-même faire le 17, car son portable est resté dans l'appartement, qui laisse voir le coléreux à contre-jour tel un singe impatient! Nous appelons donc nous-même la police et parlons d'agression, mais la standardiste, qui rêve aussi de monter les marches à Cannes et qui abhorre le simple devoir de sa charge, nous demande si c'est le conjoint qui fait des siennes et si dans ce cas le couple ne négligerait pas les vertus d'une thérapie! C'est effectivement des questions à poser dans l'urgence et écœuré, nous répondons sèchement à la future star, ce qui la scandalise!

    Dans la rue, le jeune, qui a une étoile sanglante au front, et mademoiselle X, qui est en chaussettes, essaient de faire bonne contenance... Un autre voisin s'approche, avec un air que nous n'aimons pas du tout... Imaginez un homme venant au secours d'accidentés de la route, en leur demandant toute leur attention, alors qu'ils ont déjà du mal à retenir leur tête qui tombe! Nous reconnaissons immédiatement un tyran, un "trou noir", et nous nous détournons de lui. Par contre, mademoiselle X et le jeune se laissent prendre et les voilà discutant tous trois, comme s'ils appartenaient à la même amicale des anciens du quartier!

    Mais la police est arrivée, dans une voiture puissante et sans signe distinctif! Nous sommes loin de la patrouille démonstrative, luttant notamment contre le tapage nocturne, et effectivement les deux policiers ressemblent à des guerriers! L'un interroge déjà le violent, qui a pris l'air du voyageur qui a raté son train! Nous nous présentons à l'autre, qui ne nous salue pas, mais qui veut être conduit auprès de mademoiselle X... Il la questionne bientôt avec une désinvolture qui nous heurte, mais notre "sauveur", quoique très professionnel, roule aussi des mécaniques!

    Nous pourrions crier à l'asile de fous, mais nous connaissons son directeur et sa logique, et nous préférons regagner la paix de nos pénates. L'incident est clos! Pas tout à fait, car mademoiselle X vient frapper à notre porte, pour rendre les chaussons que nous lui avions prêtés, afin de protéger ses menus pieds divins! Nous en profitons alors pour lui glisser la vérité... Nous lui disons qu'elle a peur de la solitude et que c'est normal, mais qu'elle ne doit pas faire n'importe quoi pour y échapper! La réponse fuse: "Mais c'est lui, le violent, qui est seul!"

    Ce n'est pas le cri du cœur, mais celui de l'orgueil! Nous espérons tout de même que notre petite phrase fera son chemin, car on ne peut pas guérir, si on ne reconnaît pas son mal! Et ceci est valable pour tous ceux qui hausseraient les épaules à cette histoire, parce qu'ils ont l'air plus stables, à cause de leur travail ou de leur vie de famille! Tant qu'on veut dominer, on crée un monde dur et égoïste! Ce n'est pas la vie qui est méchante, ce sont les hommes et les femmes qui sont bêtes à pleurer!

     

 
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