D'un rat

  • Le 03/08/2019
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    Il est étonnant de voir combien la situation actuelle ressemble à celle de 1789! Nous retrouvons effectivement trois forces qui s'opposent... Il y a l'Etat, représenté par Macron, qui cherche désespérément des sous, pour rembourser la dette... Rappelons que le paiement des seuls intérêts de celle-ci dépasse les 40 milliards d'euros et constitue le quatrième budget du pays... Il suffirait d'une très légère augmentation du taux d'intérêt, pour que nous soyons menacés d'un défaut de paiement! 

    En 1789, Louis XVI se tourmente également pour la même raison... Il faut trouver de l'argent, pour combler le déficit et continuer à fonctionner! Par contre, à cette époque, on sait encore que multiplier les emprunts conduit au surendettement et à une logique catastrophe! Le roi se tourne donc vers les nobles, les possédants et leur parle de payer des impôts; ce qui nous amène à la deuxième force d'aujourd'hui...

    Elle est constituée par les riches et les très riches; des patrons de grosses entreprises, des financiers, des vedettes... Eux aussi, comme leurs homologues de l'Ancien Régime, sont absolument hostiles à l'impôt, bien qu'ils aient largement de quoi vivre, et ils crient à l'assassin quand l'Etat leur demande des comptes! Plus on en a et moins on veut donner! Cela montre l'infantilisme de la classe dominante...

    Mais certains s'exonèrent en s'exilant! Ils vont habiter des paradis fiscaux tels la Suisse, le Luxembourg, Monaco ou la Belgique... D'autres encore pratiquent l'évasion fiscale, grâce aux opérations de ce qu'on appelle la finance offshore; celle qui agit sans devoirs tout autour de la planète et dont le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont les maîtres! On ne devient pas riche sans être un voyou! Croire le contraire, c'est pérenniser la retraite d'une communion solennelle!

    D'ailleurs, si on approfondit, on voit apparaître, derrière les grosses fortunes et les paradis fiscaux, de nombreux noms à particules; le comte de ceci, le duc de cela; comme si les héritiers de l'ancienne noblesse avaient bien cédé à la démocratie, mais pour mieux se sentir supérieurs dans un monde où l'argent est roi! Ils détiennent encore le pouvoir et se livrent toujours à leurs fêtes! Depuis 1789, seules les apparences ont changé!

    En face, il y a la force la plus grande, mais aussi la plus anonyme, la plus dispersée... Pour que celle-ci se meut, il lui faut un ancrage, un symbole, et c'est ce que devient en son temps le Tiers état... La violence révolutionnaire ne va d'abord déferler que pour le protéger! Les gilets jaunes n'ont pas réussi cette prouesse: représenter le plus grand nombre, mais il est vrai que le paysage a des reliefs moins tranchés et pourtant le mouvement a laissé des fissures!

    Le FMI pousse Macron a des réformes et donc à des mesures impopulaires... Qu'arrivera-t-il si, pour payer la dette, on demande encore plus au petit; alors que le "gros", lui, ne fait aucun effort? Car les scandales de la finance son innombrables! L'arrogance des riches ne fait aucun doute! Quant au peuple, il montre son exaspération lorsqu'une affaire comme celle de Rugy éclate (le nom à particule n'a bien entendu rien arrangé!)!

   Ne perdons pas de vue que c'est la domination qui mène le monde et que c'est le mur de l'orgueil qui provoque la révolte! L'argent n'est qu'un serviteur et si le riche refuse de payer l'impôt, c'est parce qu'on entame son pouvoir, sa fierté! Nous allons donc ici rappeler combien nos sentiments ont une origine animale, au point que l'histoire de certains animaux puisse nous servir d'enseignements!

    Nous avons la chance de disposer d'un petit jardin, où en ce moment fleurissent de magnifiques hortensias... Mais, à l'arrivée du printemps, nous avons remis le nez dans notre appentis, pour retrouver non seulement nos outils, mais aussi toutes sortes de déchets, que nous avons accumulées là en attendant mieux... Nous nous sommes cependant figé sur place, car nous avons remarqué des crottes, qui ne pouvaient être que celles d'un rat! En fait, il y en avait partout, mais leur couche pouvait passer pour de la boue, venant des fuites du toit, ce qui fait que pendant longtemps nous avons ignoré le désastre... Car c'est bien d'un désastre dont il s'agit: outre la répulsion qu'il inspire, le rat menace toujours d'une invasion; il avance tant qu'il peut et est quasiment impossible à déloger! 

    L'angoisse est venue s'abattre sur nous, mais il n'était pas question de perdre la tête... Il fallait lutter et procéder avec méthode! La première chose était de nettoyer de fond en comble l'appentis... L'apparition du rat devenait un mal pour un bien et en une journée, nous nous sommes débarrassé de tout ce qui pouvait être jeté à la poubelle... Il ne restait plus que quelques cartons de vaisselle et un frigo et une gazinière usagés... Ce que nous voulions, c'est que le rat ne se sentît plus chez lui, que les cachettes devinssent rares, que le jour remplaçât la nuit si chère au rongeur, que la propreté nous fît oublier l'ordure!

    Mais, le lendemain, les crottes étaient de nouveau là... Elles étaient moins nombreuses certes, mais bien plus visibles et à partir de ce moment, elles devinrent le moyen de communication du rat! Il en laisse non seulement pour se repérer, mais aussi pour marquer son territoire: tant que les crottes sont présentes, il est chez lui! Nous avons donc décidé de passer à la vitesse supérieure dans le nettoyage... Nous avons vidé l'appentis de sorte que l'animal y souffrît d'agoraphobie, que même notre respiration y trouvât un écho! Mais, le lendemain, il y avait toujours des crottes et nous nous demandâmes qu'est-ce qui pouvait encore attirer le rat dans notre antichambre d'hôpital?

    Pour avoir une réponse, un petit retour en arrière est nécessaire... Derrière l'appentis se trouve un espace clos, entre quatre murs. La lumière n'y pénètre presque pas et nous nous en servons essentiellement pour y jeter nos déchets verts... Nous avons ajouté là les pelures de nos légumes, afin de fabriquer un large compost, quoique vague... Nous avons donc mis le couvert pour le rat et l'appentis est devenu un hôtel trois étoiles! Nous avons même découvert dans une boîte à chaussures une quantité incroyable de crottes et nous avons supposé, avec horreur, qu'elle témoignait d'amours passionnées et de la naissance d'une famille! Cette vie de luxe a duré plus d'un an et on comprend qu'il soit dur d'y renoncer!

    Evidemment, nous nous sommes aussi occupé de ce nouvel endroit, qui ressemble depuis à un terrain de tennis miniature (Attila serait fier de nous!), et nous y avons même récuré le fût qui recueille l'eau de pluie coulant de l'appentis... Si nous mentionnons ce détail, c'est qu'il va être d'une importance capitale pour la suite! Mais une question se posait: d'où venait le rat? A priori de la rue et nous décidâmes de fermer tous les trous de l'appentis qui menaient à l'espace clos, puisque c'est lui de ce côté qui nous sépare de la vie bruyante de nos contemporains!

    Pour ce faire, il n'y a rien de mieux que la mousse expansive... C'est peut-être polluant, mais diablement efficace! Le nombre de trous à boucher était cependant vertigineux et les bombes se succédaient! Nous avions l'impression de travailler pour Fort Knox et pourtant chaque jour nous retrouvions des crottes! Nous n'étions pas de taille, c'était sûr; mais nous avions plus d'expérience et nous ne cédions pas à l'énervement! Une lutte titanesque avait commencé! A ma droite, un rat en pleine forme; une véritable machine à creuser, à escalader, à s'amincir comme une feuille à rouler! Une boule de muscles, rien de trop! Un champion!

    A ma gauche, un écrivain vieillissant, déjà bedonnant, luttant toujours contre la dépression! Un perdant, un étranger parmi les hommes, un inadapté; une ombre! Mais aussi une barre de fer, qui a beaucoup appris et qui résiste! Un vrai roseau encore; un cauchemar pour les impatients; une force lente, une patelle attachée à sa réflexion, nous avions notre chance!

    Chaque matin, ramassage des crottes et inspection! Car le rat bien entendu, s'il ne voulait rien perdre, cherchait surtout à retrouver le chemin de sa nourriture, même si elle n'existait plus... Le faisceau de notre lampe éclairait chaque pouce du sol et sondait les murs... Nous prenions peu à peu la place du rat; nous commencions à voir le monde comme lui, à son échelle  et d'un coup le détail se révélait, comme par exemple, en face d'un tasseau, de petits éclats de bois! Le rat était sur le point de s'ouvrir un passage et il y avait là un véritable chantier, menaçant, alors que nous avions marché dessus plusieurs fois, sans le remarquer!

    Nous comblions le trou avec de la mousse, mais nous avions le sentiment d'un ennemi plus redoutable que jamais... et nous ne savions toujours pas d'où il venait! Nous avons eu la réponse un soir, parce que nous sommes patients! Nous regardions par la fenêtre les changements de la nature, dans le jardin, et ce sont des dizaines de petites choses qui nous parlent... Soudain, une minuscule masse noire apparut sur la crête d'un mur, puis elle coupa la pelouse telle une fumée! Ce fut si fugitif que nous avons douté d'avoir bien vu! Mais ainsi donc notre adversaire avait son terrier dans le jardin, peut-être dans quelque mur... N'empêche, cette vision nous avait donné froid dans le dos: comment dissuader un courant d'air?

    Nous avons eu une autre occasion de découvrir le caractère du rat... Il restait un vieux pot de peinture au bout de l'une des étagères de l'appentis... C'était encore un nid de poussière et nous avons fait l'effort de débarrasser ce coin-là aussi... Au passage nous avons enlevé quelques crottes, mais quelle ne fut pas notre surprise quand, le lendemain matin, il y en eut de nouveau à cet endroit et en grand nombre; comme si le rat avait piqué une colère, car nous étions là bien loin du but du rat, de son parcours essentiel! Mais apparemment il nous rappelait qu'il ne cédait rien, que tout lui appartenait, malgré notre action, et on sentait comme une forme de mépris chez l'animal; ainsi qu'il nous aurait dominé de la tête et des épaules! C'est ce qu'enseignait son irritation provoquée par un incident secondaire! N'oubliez pas, la colère est un luxe, quasiment un caprice! C'est une parade de l'orgueil!

    Un matin, nous contrôlons l'étanchéité de nos colmatages, entre l'appentis et l'ancienne zone de nourriture, ce qui nous pousse à manipuler le fût qui recueille l'eau de pluie, quand nous avons un haut-le-cœur, car le rat y est au fond pris au piège! Jamais nous n'avons vu autant de haine dans le regard d'un animal: ce sont deux billes d'acier, qui cherchent à vriller notre cerveau! Pensez! A un gars, on enlève son cigare, sa voiture de sport; on lui demande de se lever, on emporte son cocktail, on vide son compte en banque, on menace sa famille et éberlué, il nous saute brusquement dessus!

    Mais que s'est-il donc passé? Le rat a pris de plus en plus de risques; notre travail a payé! Il a essayé la gouttière de l'appentis, ne pouvant plus passer par le bas, et il s'est trouvé devant l'ouverture qui mène au tonneau; il n'est certainement pas tombé dedans par accident; ce n'est pas du tout le genre du client! Il a dû peser le pour et le contre, mais pas longtemps, car nous avons constaté par la suite qu'il possédait sous les pattes de petites ventouses (il avait sans doute également la peau ignifugée...) Il s'est donc engagé dans le tube, mais personne bien entendu ne peut résister à du PVC vertical!

    Si le fût était resté rempli, le rat aurait pu se sauver, mais à présent il est face à des parois en plastique, inaccessibles, et malgré toute sa haine, son petit corps commence à trembler: l'animal sait en effet qu'il est à notre merci! Mais nous n'allons pas le tuer, ce serait de toute façon pénible et nous nous efforçons même de parler au rat avec douceur, car sa situation nous paraît malgré tout digne de compassion; ce qui fait qu'il ne perd pas une goutte de notre discours... Mais, en le quittant, pour chercher une solution, nous devenons beaucoup plus réaliste... Il faut que le vaincu meure, car c'est un véritable poison... A ce moment-là, il commence à pleuvoir et nous décidons de laisser faire les choses... Le rat ne sera victime que de son attitude: il a été trop sûr de lui et il s'est perdu, comme un haut fonctionnaire! Il ne fait que payer son erreur!

    La pluie tombe, lentement... C'est une belle fin pour le rat, elle est à sa mesure! Nous voulons dire que le champion aura le temps, le calme, pour découvrir peut-être la grandeur de la destinée! Il pensera sans doute à sa famille, mais il peut, avant l'heure ultime, saisir le sort de toute son individualité... Une exécution n'aurait apporté que du stress! Pourtant, dans la soirée, nous tendons l'oreille et nous entendons un bruit d'eau rageur! Le rat, qui doit maintenant tremper jusqu'à la taille, en est toujours à "pester" contre son infortune, ce qui montre une nouvelle fois sa fierté et son manque de sagesse... Mais le bruit ne dure qu'une seconde, car le rat sait déjà que tout effort est inutile!

    Le lendemain, il flotte entre deux eaux... Nous n'en croyons pas vraiment nos yeux, car la lutte dure depuis deux mois et nous n'avions connu que la défaite jusque-là! Alors, nous-même, bien que portant l'étiquette de perdant, voire de raté, nous-même à l'occasion nous pouvons gagner! C'est la victoire de la patience, de l'expérience! Nous avons été formé à l'école de la persévérance, de l'abnégation même et avec plus de hauteur, nous aurions cédé à l'emportement, mené un combat de front, que nous aurions perdu (le poison et les pièges n'ont qu'une efficacité aléatoire...)!

    La femelle, responsable de ses petits, montrera plus de prudence... Elle partira définitivement, quand elle verra le jardin s'éclaircir de plus en plus, grâce à nos soins, et un matin il n'y aura plus aucune crotte dans l'appentis! Peu après, nous apprenons que la reine d'Angleterre a dû quitter Westminster, à cause des rats! Mais, pour le coup, nous parions sur l'animal, car la famille royale profite de la City, qui, elle, ne sera jamais propre!

 
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