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VIET RAM!
- Le 08/05/2021
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"Dire que les meilleurs sont morts le nez dans la boue!"
The Big Lebowsky
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 3 mai: l'aube pointait à peine quand la mère de RAM prépara son voyage et elle pleurait en remplissant son sac! Elle songeait à l'ingratitude de son fils, à sa dureté! Certes, il devait faire sa vie, mais de là à ignorer sa mère!
La vieille femme prit son bâton et quitta la ferme, sous l'œil interrogatif des animaux! Elle marcha longtemps, s'abîmant les pieds sur les pierres, mais tout de même elle était partout chez elle et toute chose la fêtait à sa manière! Enfin, le soir tombant, elle vit les murailles de la ville!
Elle s'approcha des gardes et expliqua qui elle était et qu'elle voulait voir son fils! Les gardes furent d'abord incrédules, mais, face à l'insistance de la vieille, ils envoyèrent un des leurs prévenir leur chef!
Cependant, RAM était fort occupé! Chaque jour, en effet, la ville était en ébullition! On s'y battait, s'y injuriait, s'y soulevait et RAM était comme ses sujets, à cran! "Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? cria-t-il à son ministre. Ma mère est à la porte? Bon sang! C'est bien le moment! Dites-lui qu'elle repasse plus tard! Hein? Parce que moi, j'en ai jusque-là!
Elle paraît lasse, gémissante, suppliante? Mais, avec elle, c'est toujours pareil! Il faudrait l'écouter, se réjouir de sa présence! Comme si on n'avait qu' ça à faire! Un poison! Mon dieu, que de simagrées! Mais que croit-elle à la fin? Qu'on va donner à manger aux gens avec des fleurs et des beaux discours! On est dans une cage remplie de fauves ici!"
On retourna donc vers la mère, pour lui dire qu'elle ne pourrait rencontrer RAM, car il avait trop de travail! Elle baissa la tête et se mit de nouveau à pleurer et même les gardes en furent émus! Puis, elle s'écria: "C'est moi, sa mère, je peux l'aider! le consoler, l'apaiser! J'ai apporté des philtres pour le soulager! Je lui chanterai ses anciennes chansons, celles qui le berçaient et l'endormaient! Il se sentira de nouveau en sécurité! Il a besoin de paix, vous savez!"
Les gardes étaient d'accord, mais ils ne pouvaient pas désobéir et la vieille dut repartir dans la nuit; son châle se confondant dans les ténèbres! Mais ainsi RAM nie la beauté!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 4 mai: il existe une machine très particulière dans le fonctionnement de RAM! Chaque jour, chaque individu y est soumis! C'est pourtant une machine invisible et elle doit agir avec des ondes sur le cerveau!
Celui-ci est étiré dans tous les sens, réduit en des milliers de fragments, à l'instar de ceux d'un kaléidoscope! Et il faut chaque matin reconstituer le tout! C'est épuisant, comme si on commençait la journée, en se réveillant sur une grève, après avoir failli se noyer!
C'est qu'au fond RAM est pareil à la mer! Les peurs, les inquiétudes, mais aussi les envies, les ambitions y soulèvent des vagues incessantes, puissantes, qui heurtent la coque du cerveau! C'est un festival d'incohérences, de hargnes, de bêtises effrayantes d'égoïsme, ainsi que les lames semblent rivaliser de brutalité contre un quai!
Le repli sur soi, le sédentarisme ne sont que des tentatives maladroites, inconscientes, pour essayer de trouver un peu de paix, celle des profondeurs! Pour le penseur aguerri, qui a déjà plongé des milliers de foi, qui connaît tous les pièges de la concentration, le danger de ses mélanges, pour celui-là, il est possible de voir dans le bleu le plus dense, presque étouffant, la dorsale de RAM!
Elle est une réalité, malgré l'agitation folle de la surface! Mais, même si on la connaît et qu'on sait qu'elle donne du sens, on perd bientôt son souvenir, car la machine de RAM est tout le temps en route et elle brise toutes les certitudes! Au mieux, on est comme un horloger affectueux devant une montre cassée! Au pire, on se laisse emporter par la furie, en essayant de mordre!
Commissariat de RAM: "Patron, y a un Psycho-RAM qui voudrait vous voir!
_ Bof!
_ Y dit que c'est au sujet du virus et du patient zéro!
_ Mais faites entrer, Miniers, faites entrer!
_ Bonjour! fait le Psycho-RAM, qui entre par-dessus Miniers. Je me présente: Psycho-RAM, Alphonse Boucherat!
_ Enchanté! Enchanté! Je suis le commissaire Brocart! Un peu... d' café..."
La voix de Brocart meurt, car évidemment comment donner du café à une boule qui se déplace? "Eh! Eh! Commissaire, du surmenage sans doute!
_ Evidemment, nos journées sont longues! Vous disiez avoir quelque information au sujet de l'épidémie, du patient zéro....
_ Oui, figurez-vous qu'il m'est arrivé de drôles de choses ces derniers temps!
_ Ah?
_ Oui, j'ai d'abord secouru un va-nu-pieds, un cuistre, un nommé Jack Cariou! Il avait un coup de blues et j'ai essayé de lui apporter des solutions! Peine perdue! Le bonhomme savait tout! prenait chacun de haut! J'ai tout de suite flairé le paranoïaque, souffrant d'un complexe du père! Ces individus sont les plus sournois, les plus paresseux, la vraie lie, si vous voyez ce que je veux dire?
_ Euh! Pas tout à fait! Mais quel rapport avec ce qui nous préoccupe?
_ J'y viens, commissaire, j'y viens! Vous savez que grâce à RAM nous pouvons déchiffrer le passé, voir les images de l'enfance! Manifestement, ce Jack Cariou n'était pas d'ici... Il semblait détenir un secret!
_ Hum!
_ Ne vous impatientez pas, commissaire, car c'est ici que les choses se corsent! Quelques jours plus tard, j'ai recueilli un autre individu, un nommé Friant! Il délirait et on l'avait trouvé à demi-noyé dans les égouts!
_ Dans les égouts? Tiens!
_ Oui! Il disait qu'il n'était pas le patient zéro et que Jack Cariou mentait! Il pleurait encore la mort d'une certaine Sophie! Le pauvre homme était bien tourmenté et choqué! Mais je l'ai remis d'aplomb! Je lui ai demandé si à cinquante ans il avait droit à la retraite et il a ouvert des yeux effarés! Je lui ai montré l'abîme qui l'attendait! A partir de là, il fut aussi doux qu'un agneau! Il devrait être possible de le retrouver, car à l'heure qu'il est il doit courir après une embauche! Ah! Ah!
_ Mais voilà des renseignements fort intéressants, monsieur... Boucherat! Nous allons effectivement nous mettre à la recherche de ce Friant!
_ J'en étais sûr! J'aimerais cependant formuler une requête!
_ Je vous écoute...
_ Quand vous aurez fini avec Cariou, je voudrais l'interner!
_ Ah?
_ Oui, j'ai envie de l'entendre gémir et me supplier! Ce s'rait pour moi très doux!
_ Et parfaitement déontologique! Mais je ne peux rien vous promettre! On verra, comme disait la truie!
_ On verra... comme disait la truie? Ah! Ah! Commissaire, je sens qu'entre bons vivants on va pouvoir s'entendre! Ce n'est pas la peine de me raccompagner!"
Le Psycho-RAM s'envole et quitte la pièce... "Nous les tenons, Miniers! Allez en route!
_ Vous oubliez, patron, ces femmes assassinées! Elles sont six maintenant!
_ Très juste, Miniers! Je vous charge de l'enquête... et je m'occupe de Friant!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 5 mai: une voix retentit dans la rue: "Bienvenue dans notre nouveau jeu, monsieur Cariou!
_ Tu entends ça, Julie? Comment savent-ils mon nom?
_ Tu as dû passer devant une borne qui reconnaît les puces! Il y en a un peu partout!
_ Et si je refuse de jouer! je crie moi aussi.
_ Nous nous fâcherons!
_ Je vois! Alors de quoi s'agit-il?
_ C'est très simple! Comme vous le savez, les conducteurs sont toujours désireux de rendre service... et ils ralentissent pour laisser passer le piéton! Le but du jeu, c'est de ne pas les décevoir! A chaque fois qu'un "Bob" veut vous obliger, vous devez traverser!
_ Même devant ceux qui arrivent à fond?
_ A vous de juger, Cariou! N'en peinez aucun, c'est tout! Attention, top départ! Ouais, c'est bien! Premier passage réussi! Allons du nerf! Ouais, deuxième bon également!
_ J'en ai marre de courir, Julie!
_ Normal, avec toutes les cochonneries qu' tu manges!
_ Il faut que je salue aussi?
_ Mais oui, tu remercies! Tu ne vas pas faire comme certains, afficher un visage hautain!
_ Eh! Eh! Cariou, c'est le rond-point! Et des Bobs bienveillants, il en vient de tous les côtés! On tourne, ouais, c'est ça! Ah! Ah!
_ Y s' fout d' ma gueule! Bon, je vais m'enfuir, Julie!
_ Mais tu es de moins en moins ridicule!"
Je me mets à courir tout de bon, loin de la voix, mais mes jambes sont soudain molles! Je vacille et j'ai l'impression d'être englué! Je lutte pourtant, je force, mais c'est inexorable! C'est comme si on me pompait toute mon énergie!
"Il se passe quelque chose d'anormal, Julie! Je n'arrive plus à avancer!
_ Je crois savoir! RAM aurait mis au point un rayon, qui ne serait qu'un concentré de haine! Celle-ci te dévore en quelque sorte!
_ J' sens que j' vais m'écrouler!"
Effectivement, je glisse contre un mur et sombre dans l'inconscience! A mon réveil, j'ai une drôle de surprise: la tête de Friant est penchée sur la mienne! "Friant? comment se fait-il?
_ Tout doux, Cariou... Voilà un bon moment que vous délirez!"
Je regarde autour de moi et brusquement je suis sujet à la panique! "Friant, bon sang! Où sommes-nous?
_ Mais quelle question! A la station Charcot!"
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DEMANDEZ L' PROGRAMME!
- Le 01/05/2021
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"Monsieur Malaquet est demandé au bureau de monsieur Guiton!"
Le Distrait
Journal de JACK Cariou, monde de RAM, lundi 26 avril: RAM n'est pas une ville ordinaire... On croit qu'on y habite, mais il n'en est rien! On y reste étranger!
Soudain, la ville apparaît telle qu'elle est: un cristal de forme cubique et doré! une pyrite! Sa face lisse, au reflet métallique, est fermée et maintient à l'écart! Pourtant, il y a des gens de l'autre côté, à l'intérieur du cube! Ils vivent bien dans RAM, s'y sentent à l'aise et on comprend peu à peu que ce sont eux qui font RAM et qui excluent!
RAM dérive dans l'espace et elle a comme ancre son illusion! Celui qui ne rêve pas est chassé par RAM! Il regarde alors la ville souffrir et se détruire! RAM apprend, mais sur ses ruines!
Palais de RAM: les disques cérébraux de nouveau s'animent! Le président Romuald reprend la parole: "Alors, professeur Bourdon, où en est-on avec cette épidémie?
_ Hum! C'est grave, président! Des milliers de personnes sont infectées et nos hôpitaux n'ont plus de place! Nous plongeons!
_ Voyez-vous ça! Et du côté du patient zéro et du vaccin... Quelles nouvelles, monsieur le ministre Fauconier?
_ Ahem! Nous n'avons toujours pas retrouvé les deux individus! Le commissaire Brocart, chargé de l'enquête, nous a révélé un fait étrange... Un groupe des forces spéciales a été anéanti dans les égouts... On parle d'internautes mutants et anthropophages!
_ Seigneur!
_ Professeur Bourdon, voilà plusieurs fois que vous évoquez le nom de Dieu et à ce niveau, c'est une mauvais plaisanterie! surtout pour un scientifique! Je me demande s'il ne faudrait pas réviser votre statut d'immortel!
_ Excusez-moi, président... Je reste un éternel émotif! Mais je vous promets que ça ne se reproduira plus!
_ Bien, mais, somme toute, vous ne m'apportez aucun bon résultat! J'ai déjà commencé à vous expliquer pourquoi la situation est inédite, mais je vais me montrer beaucoup plus précis! RAM est en suspension dans le cosmos... Notre monde y est comme un grain de sable, éclairé par le soleil, qui un jour deviendra tout rouge, avant de claquer la porte! A ce moment-là, RAM disparaîtra et sa mémoire aussi!
_ Mais nous aurons peut-être essaimé, grâce aux voyages spatiaux!
_ Bien sûr, professeur, nous ne pouvons accepter notre fin totale! Notre esprit doit trouver une échappatoire et c'est pour cela que même aujourd'hui nous nous tenons dans une sorte d'ivresse! celle du mouvement, de la construction, de la réussite! Ainsi, nous ne voyons pas la nuit qui nous entoure, même si notre développement a l'air d'une "fuite en avant"!
_ Mais nous sommes positifs! A chaque problème, la raison trouve une solution!
_ Exact! Alors voilà le problème! Le virus agit sur nous comme un couvercle de cocotte-minute! Il freine notre élan! L'abîme, le vertige réapparaissent donc! La peur s'installe et donne lieu aux réactions les plus imprévisibles, les plus violentes!
_ Nous notons en effet une forte augmentation des troubles mentaux!
_ Ce n'est pas pour rien que je suis le chef, professeur! Evidemment, dans ces conditions, notre société est menacée! Le chaos nous frappe comme un bélier! La bizarrerie agit comme le salpêtre dans nos murs! Nous devons à tout prix retrouver notre vitesse de croisière, en relançant l'économie!
_ Je vais mettre la pression sur les enquêteurs! Les deux fugitifs ne sauraient nous échapper!
_ De notre côté, nos chercheurs travaillent d'arrache-pied, pour trouver un vaccin!
_ Bien, douce musique! Qu'on nous régénère!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 27 avril: d'où vient-il? Personne ne le sait! Peut-être de SgrA*? Peut-être a-t-il échappé au rayon de Schwarzschild? Il viendrait alors de l'immense trou noir de notre galaxie!
En tout cas, il est de la nuit, mais de la nuit sans étoiles! Quand on le regarde, on ne voit que de l'ombre très dense, impénétrable, insondable! Il a jeté son dévolu sur RAM et il s'est habillé comme ses habitants, pour se fondre en eux!
Il porte un grand chapeau et un imper et paraît un peu rustre, mais ainsi on ne cherche pas ses yeux, qui sont absents! Il parle la tête baissée, comme quelqu'un de malade, et on ne s'en inquiète guère. D'ailleurs, on s'en méfie, car il représente une menace sourde, quoique indéfinissable!
Appelons-le monsieur Nuit, puisqu'il faut à chacun un nom! Il a un comportement étrange... Par exemple, il peut attirer à lui tous les objets! Quand il se déplace, il veut de la soumission! Il fait peur, voilà tout et on se courbe autour de lui! On reconnaît implicitement sa supériorité et il en est satisfait!
Ce qui le guide, c'est la docilité des âmes, des esprits! Il est alors unique, quasi divin! Le soir, il prend une femme, une qui angoisse, fragile et qui ne peut plus supporter sa solitude! Il lui fait un peu de baratin; il dit qu'elle est belle et même si sa voix paraît lointaine, sans chaleur, il emmène sa conquête!
Il jouit de ce corps, qu'il possède et qui le demande! Il est le maître! Il atteint le plaisir comme un roi et... le reste ne l'intéresse pas! Les petites mots doux, les promesses, les questions, il n'en veut pas! Et surtout il ne supporte pas les adieux, quand la vie de l'autre redevient une réalité!
On ne quitte pas monsieur Nuit! On n'existe pas sans lui et il tue la jeune femme, alors qu'elle est encore alanguie, sans défenses! Il lui vole son âme, qu'il absorbe dans son ombre! Au matin, il n'y a plus qu'un cadavre, que la police découvre tôt ou tard!
Et monsieur Nuit est déjà en route, soumettant les passants, terrible, vers une autre femme!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 28 avril: c'est la première journée de travail pour Friant! Il a eu du mal à trouver un emploi, car il n'est plus tout jeune, mais il voulait être rassuré et surtout il pourra de nouveau cumuler des points pour sa retraite!
La vie a de nouveau un sens, d'autant qu'il fait beau, et Friant est exact au rendez-vous qu'on lui a fixé! Il est devant un vaste entrepôt, dont les alentours sont déserts et balayés par le vent! Une grande flèche indique la voie à suivre et Friant entre dans le bâtiment, alors que la porte se referme lourdement derrière lui!
Quel silence! Ne percevant que son pas, Friant avance entre des étagères monumentales et qui sont remplies de toutes sortes de produits! De temps en temps, il arrive à une allée transversale, qui présente le même décor et qui paraît s'étendre à l'infini! Soudain, un petit bruit attire l'attention de Friant: sur un carton, un clown miniature joue du banjo!
Amusé, Friant se penche, quand un souffle passe au-dessus de sa tête et une barre de fer vient brutalement frapper un montant! Ce fut moins une et il eût pu avoir la tête arrachée! Friant a gardé son sens marin et il plonge dans les produits, pour échapper au prochain coup! Il sort dans une autre allée et se met à courir, puis de nouveau il se cache dans l'ombre des marchandises.
Son agresseur ne tarde pas et d'où il est, Friant peut l'apercevoir. Son sang se fige, car il vient d'être attaqué par un robot! Celui-ci a une grosse tête scintillante et la barre de fer est bien entre ses pinces! Puis, il s'éloigne en glissant sur des roulettes!
"On a un peu d' temps devant nous! murmure une voix juste derrière Friant, qui se retourne. J' suis avec vous, relax! C'est vous le nouveau?" Friant opine et demande: "Mais qu'est-ce qui se passe, nom de Dieu?
_ On nourrit les algorithmes!
_ Quoi?
_ On est embauché pour ça! pour que les robots soient toujours plus performants! Ils s'occupent des livraisons et leur situation évolue sans cesse! Nous, en servant de cibles, nous enrichissons leur expérience! Nous sommes des antirouilles, si vous voulez!
_ Mais il a failli m' tuer!
_ C'est le jeu, ça ne marcherait pas, si c'était pas vrai! Mais ils sont pas très malins, vous verrez! Y a déjà un an que j' suis ici! Et puis, l'adrénaline, ça me convient! Y a des boulots bien plus chiants!
_ Bon sang!
_ Au fait, pourquoi vous êtes là?
_ Pour avoir une retraite!
_ Ben, où est le problème?"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 29 avril: regarde dans ton miroir, mon cœur! Que vois-tu dans l'espace digital? Ton image bien sûr! C'est ton existence qui se reflète!
L'image de RAM, qui glisse, qui s'efface et qui renaît, c'est ton voyage, ta lumière! As-tu d'autres repères, ô voyageur! Cette image qui flotte, te captive, qui frissonne, qui en devient liquide, que te dit-elle?
Que tu es le plus beau, la plus belle, n'est-ce pas? Car qui suivre à part toi? Qu'est-ce qu'il y a dans les ténèbres? Des monstres! que tu ne comprends pas, qui sont repoussants, qui écrasent et qui ne sont pas toi! de toute façon!
Tu es ta propre lumière! Adore-toi! Vénère-toi! Car toi seul comptes! Le mal n'est pas en toi! Tes intentions sont pures! Le mal, c'est pour la loi! Toi, tu es nacré! Sonde-toi, vois-tu le mal? Il y a tes proches, tes amis, tes envies, tes achats! Quoi de plus naturel?
L'Univers n'existe pas! Seul vaut ton clic! Tu vas gagner, réussir, c'est dans ton miroir! Tu n'as pas de haine! Tu ne détestes pas! Tu ne veux pas mépriser, écraser, détruire! Ces choses laides ne vivent pas en toi, n'est-ce pas? Cher cœur! Tu es pur et tes intentions sont magnifiques!
Ta langue critique, mord, empoisonne; tes yeux méprisent, envient, sont pleins de feu: oublie! Il ne s'est rien passé! Personne n'a rien vu, pas même toi! Oublie, mon ange! Ce n'est pas contre la loi! Trompe-toi, comme tu trompes les autres! Ainsi, tu restes en sécurité! Tu n'es pas un bandit! Ils sont pour la loi! La police s'en occupe!
Mon cœur, mon ange, si tu savais comme je t'aime! Moi, RAM! Moi, la société folle! Si tu savais comme je délire dans la nuit du cosmos! Comme je me mens! Je danse dans l'Univers, fille pure! Veux-tu mon secret? Mais tu le connais déjà! Tu sais comment je ris de l'immensité et de la mort?
Mon nombril est mon foyer, ma maison, ma lumière! Je ne prie pas, je ne crois pas, je suis trop fort pour cela! Je danse dans la nuit, les yeux sur moi-même! Et surtout, je ne fais pas le mal! Je ne fais pas le mal! Mes intentions sont bonnes! Je travaille! Je veux juste réussir! Tu veux mon secret: le mal n'existe pas! Pourquoi RAM se condamnerait lui-même?
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PIC ET COLEGRAM!
- Le 24/04/2021
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"Vous l'avez sentie?
_ Oui, Amiral, je l'ai sentie!"
La Ligne rouge
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 19 avril: il y a des marées d'or, qui traversent l'Univers! Elles sont mal connues et pourtant elles influencent RAM! Quand il en est baigné, il est heureux! Il est alors comme un bon vivant, qui se gratte le dos et qui chante, dans sa baignoire!
Quand elle se retire, RAM devient maussade, inquiet et ou bien il se terre, ou bien il écrase quelque petite créature! En somme, RAM ne sait même pas quand il est fatigué ou non!
A quoi comparerais-je RAM? A un enfant perdu dans la nuit!
On dit que RAM est un assassin! C'est vrai, RAM peut tuer, quand il ne sait pas! Car ce qui fait RAM, c'est exclusivement RAM!
S'il reconnaît son ignorance, alors il n'est plus RAM! Ce qui ne se peut! RAM détruit donc tous ceux qui le mettent en défaut! Ainsi, RAM évolue peu, de loin en loin, et encore parce qu'il ne peut pas faire autrement!
Qu'est-ce qui donne à RAM le sentiment de vivre, sinon sa supériorité, ce qui nécessite d'écraser, d'effrayer? A quoi comparerais-je RAM? A un homme qui s'attend au coin de la rue, avec un couteau!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 20 avril: "Voulez-vous vous joindre à nous pour la prière? me dit l'homme souriant qui m'a accueilli.
_ Non.
_ Ah? Seriez-vous incroyant?
_ Non, non, mais ma vie est déjà une prière! Qui vous priez, avec vos génuflexions?
_ Mais le Très-Saint, le Créateur de toute chose!
_ Eh bien, il vous a créé, non? Il connaît le secret de votre cœur, alors pourquoi ne lui parlez-vous pas simplement? A force d'être mis sur un piédestal, il va trouver ça louche!"
A cet instant, un énorme individu s'approche: "Un problème, père Léon? demande-t-il à mon interlocuteur.
_ Je vous préviens, je fais, que la haine ou la colère sont incompatibles avec la foi! En effet, la foi, c'est la confiance... et la haine, la peur! Les deux sont donc contraires, voyez!
_ Mais c'est que vous allez nous faire la leçon! répond l'homme souriant, en montrant ses belles dents, comme un crocodile enthousiaste! Vous devez cependant respect et même adoration au Très-haut!
_ J' crois pas qu'on va pouvoir s'entendre, car si Dieu a fait les hommes pour en être adoré, y vaut pas mieux qu'une star de RAM!
_ Et pourquoi nous serions là alors?
_ Mais pour avoir la chance de vivre... et d'être libres! d'où notre conscience et notre capacité d'analyse! Mais par manque de simplicité et aussi pour commander, les hommes ont inventé le sacré! Sacrée maladie, ouais!"
Je veux sourire, pour montrer que je les aime quand même, mais je n'en ai pas le temps! Une main comme un étau me saisit le col, quand une autre me soulève en serrant ma ceinture. Je gigote et ma voix devient frêle, puis la porte capitonnée est ouverte par le gars souriant et hop, je suis jeté dans la rue!
Ouch! "Le Seigneur me rendra justice! je crie devant la porte déjà close. Y aura des grincements de dents le jour du jugement!
_ Chut! fait Julie. Tu crois pas qu'on a assez d'ennuis comme ça!
_ Sans doute, mais leur foi est dangereuse, parce que dominatrice! Eh! Mais c'est Friant là bas! Eh! Friant!"
Je cours vers le seul homme que je connaisse ici, mais son accueil est froid! "Bon sang, Friant, que je suis content de vous voir! Je vous croyais mort!
_ Ah! C'est vous... Excusez-moi, mais il faut que je fasse mes courses!"
On entre dans le magasin, où les paniers sont en suspension à côté des clients! "Mais vous vous en êtes sorti, Friant, c'est merveilleux!
_ Oui, oui, j'ai été recueilli... et soigné!
_ Parfait! Et vous avez cherché un sens à notre présence ici?
_ Excusez-moi, mais tout ça, c'est loin à présent... J'ai pris conscience de certaines choses... et je n'ai plus le temps...
_ Qu'est-ce que vous voulez dire?
_ Figurez-vous que je n'ai pas de retraite! On m'a ouvert les yeux: je suis devant un abîme!
_ Evidemment, il y a toujours la peur du lendemain! Mais la vie, Friant, c'est bien maintenant! Lui donner un sens, une richesse, c'est à faire aujourd'hui! Si vous n'êtes pas heureux du jour, à quoi vous servira la sécurité plus tard?
_ Oui, tout ça, c'est bien gentil, mais, pendant que nous parlons, je perds des points!
_ Bon sang, Friant, qui a pu vous changer autant, vous, l'ancien marin?
_ J'ai été soigné par un Psycho-RAM, figurez-vous! Et je lui vouerai une reconnaissance éternelle!
_ Un Psycho-RAM? Mince alors... et il vous a fait peur?
_ Non, au contraire, il m'a fait affronter la réalité! Le temps passe... et je n'ai pas de points! Comment je vais faire?
_ Mais calmer sa peur, grâce à sa foi, c'est autrement plus réel et costaud, et même plus profitable, que de rentrer la tête, comme ses ailes! Vous ne pensez tout de même pas que les gens qui atteignent leur retraite soient enfin heureux! Pour la plupart, le bilan est calamiteux! Les regrets sont là! La paix, qu'on aurait pu conquérir, elle, est absente!
_ Oui, oui, ce sont encore discours d'extrémistes! Alors qu'il me faut des points, des points, vous comprenez? Je suis pour l'instant bon dernier... et on va pas m' louper!
_ La paix n'a pas de prix, Friant, et elle n'est pas une affaire d'argent!
_ Oui, oui, la paix, c'est bien, mais les points, c'est plus sûr! Excusez-moi!"
Friant veut s'en aller, mais soudain je lui rappelle quelque chose d'essentiel: "Vous avez sans doute oublié que vous êtes le patient zéro!
_ Non, vous ne m'aurez plus là-d'ssus, Cariou! Le Psycho-RAM m'a bien mis en garde contre mes sentiments de culpabilité! Je ne suis pas le patient zéro, je ne ressens rien... et je suis même totalement étranger à cette épidémie!
_ Vous rigolez?
_ Non... et d'ailleurs si vous m'importunez davantage, je vous dénonce à la police! Car vous, vous devez vous faire du souci: vous n'êtes certainement pas en odeur de sainteté dans RAM! Et qui croira-t-on: un singe excité et perturbateur, ou quelqu'un qui n'a à présent qu'un rêve, celui d'être en règle avec tous et toutes!
_ Je vous laisse Friant... et je vous souhaite bonne chance!
_ Et moi, je souhaite ne plus vous revoir!"
La différence, quand elle est radicale, nous isole et nous en éprouvons de la peur! Je regarde partir Friant et j'essaie de passer outre mon chagrin...
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 22 avril: RAM est marié, le saviez-vous? Sa femme, si tant est qu'on peut dire que RAM est masculin, s'appelle Stress! C'est même elle qui porte la culotte!
Stress est partout dès le matin! Elle secoue les gens dans leur lit: "Réveillez-vous! Réveillez-vous! crie-t-elle. Ah! Ah! Je vais vous angoisser moi, si vous paressez! J'aime bien vos membres froids et douloureux! Et vos maux de têtes! Et vos sourcils froncés! Et vos idées ténébreuses, macabres, empoisonnées!
Debout, bande de lavettes! Vous n'avez pas dormi vos sept heures, à cause de moi? Mais, mes chéris, c'est extrêmement grave! Vot' santé va en prendre un coup! Ouh! ça vous flippe de nouveau! En avant marche! Toilettes, petit déj': mange ceci, mange pas ça! Je surveille tout! Je ne vous quitte pas de l'œil!
Vous savez ce que j'aime le plus, c'est la bagnole! C'est faire vroum, vroum! J'adore klaxonner! Eh! pauvre con va! Ah! Ah! je m'amuse comme une folle! J' fais peur à celle-ci et hop dans le mur! Pim! Pom! Pim! Pom! Ah! Ah! c'est gratuit et j' rayonne! Du sang! et on court, on court!
Des fois, j'arrête des vies! J' fais mal, j' tue! Bang, plus personne! Un cycliste, une feuille morte! Eh! Eh! Le chauffard s'enfuit! C'est que j' suis avec lui! On repart à fond de train! On sue! Une nouvelle vie commence, pleine de cauchemars! Un nouveau disciple, un nouvel amant!
Allez le trafic! J'abrutis à mort! Et pas seulement les humains, les animaux aussi! Les chiens? J ' leur dit subitement: "Attaque! " et ces cons-là attaquent! Ils dévorent tout! Autre chien, bébé, petite fille, pauvre gars, femme enceinte! La fête!
RAM est mon aimé! J' le rends dingue! J' le ruine! J 'le bousille! J' le mets à genoux! Mais c'est d'sa faute! Il est mou, faible, lâche! Y veut pas voir, ni entendre! Tout c' qui veut, c'est rouler des mécaniques! Faut l' voir dans l' soleil! Qui c'est le plus beau? C'est RAM! le plus fort, le plus riche, le plus puissant? RAM! RAM! et encore RAM! J'suis fier de lui! Plus il est dur et plus il me donne du plaisir!
Nous formons le couple parfait, battant, gagnant! J' suis la locomotive! J' le hisse au sommet, l' p'tit RAM! Des fois, pourtant, il en peut plus! Y s' plaint de son dos, de son estomac, de tous un tas de maux! Y dit que j' le mine, que j' l'épuise! Y sait pas c' qui veut! Pour le pire et le meilleur, c'est dit!
C'est ma personnalité! S'il voulait une bien sage, y s'rait encore dans sa campagne, en train de ramasser une par une ses pommes de terre! Y s'rait encore un minable! avec sa chaumière, sans électricité, sans eau chaude, pouah!
Avec moi, y a la ville scintillante! la gloire, l'éclat! Allez, sue, mon RAM! La réussite est à ce prix! Moi, le vert, ça me dégoûte! Oh! bon sang, qu'est-ce que c'est triste! Et les gosses! j'aime bien les gosses! J' suis près d'eux et je leur raconte des histoires horribles! J' leur dit: "T'es seul... y a pas d'avenir! Regarde tes parents: y sont paumés! Y sont même responsables de ta peine! Des boomers!
Et non seulement t'es seul, mais autour on t'aime pas! Y a que toi! Et si tu te suicidais? avec d'autres, pour leur montrer! Tu veux de la cam! Pas de problèmes! Tu préfères boire, Allez glou, igloo hi! hi! Sauvage, je t'aime sauvage, brutal, violent! Fais peur à ton père! Tire-lui les pieds! N'attends pas qu'il soit mort! Prends son fric!
Ah! Ah! La vie est drôle! C'est moi la reine! RAM m'a dans la peau! Pour se séparer de moi, y faudrait qu'il change... et ça plutôt crever, hein! Alors qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui? Quelles injures? Quel scandale, quel meurtre? Combien de morts?
Et voilà la nuit et... les insomnies! Non, décidément j' suis gâtée! Bon anniversaire, Stress!"
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AMSTRAMGRAM!
- Le 24/04/2021
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"T'es un bandit, toi?
_ Mais oui, j' suis un bandit!
_ Ouais?
_ Ouais! Grrr!"
Bandits, bandits
On raconte que RAM était fier de sa ville! Ses immeubles touchaient le ciel, scintillaient au soleil et s'étendaient toujours plus loin! Pourtant, RAM n'était pas heureux! Son front était soucieux et il n'arrivait pas à se reposer! Il travaillait toujours et finit par tomber malade!
On lui parla alors d'une guérisseuse, qui vivait dans la montagne et qui connaissait tous les secrets! RAM, d'abord sceptique, avait de plus en plus mal et il se résolut à rendre visite à la vieille! Il sella son cheval et quitta la ville avant l'aube, car il ne voulait pas qu'on le vît!
Il fut bientôt devant la masure de la vieille, qui tirait de l'eau de son puits, pour le donner à ses chèvres. RAM grimaça: que venait-il faire là, d'autant que sa maladie semblait sérieuse? Mais enfin il se présenta: "Bonjour, il paraît que tu es guérisseuse?
_ C'est exact, RAM! Oh! Ne t'étonne pas, je connais tout le monde!
_ Alors tu sais de quoi je souffre et quel remède il me faut!
_ Oui, mais tout a un prix, tu le sais bien...
_ Ah! Ah! Je crois être en mesure de te payer!
_ Ce n'est pas d'argent dont j'ai besoin...
_ Non?
_ Non, je t'aiderai si tu arrives à me vaincre à la lutte!"
RAM regarda autour de lui, pour voir s'il n'y avait pas d'enfants, qui attendaient de se moquer de lui! "Vous n'êtes pas sérieuse la vieille, reprit-il. Il me suffirait de vous donner une chiquenaude, pour vous faire mordre la poussière!
_ Eh bien, essaie!
_ Hem..."
RAM porta un coup, mais la vieille l'esquiva! RAM se passa la langue entre les lèvres et décida de passer aux choses sérieuses! Il bondit sur la vieille, qui disparut! "Hi Hi! comme tu es lent, RAM! fit la guérisseuse. Mes chèvres sont plus douées que toi!"
Enervé, RAM donna toute sa force, mais à chaque fois la vieille lui échappait! C'était comme si elle profitait de la puissance de RAM, pour être encore plus vive! A la fin, RAM s'avoua vaincu: le soleil était déjà haut et il suait à grosses gouttes! "Fallait le dire que tu ne voulais pas m'aider! jeta-t-il à la vieille.
_ Tu te trompes, RAM! Je vais d'ailleurs te donner le moyen de gagner: il faudrait que tu m'aimes, ne serait-ce qu'un peu!"
Mais RAM regarda la masure et les chèvres et il eut un haut-le-cœur devant tant de pauvreté! Il partit et sa ville fut encore plus grande, alors que lui-même pleurait la nuit!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, samedi17 avril: "Alors, vous émergez?" J'ouvre les yeux et je me vois couché sur un grabat. A côté, un vieil homme est assis devant un bureau et la pièce est petite et sombre, mais en son centre je reconnais le "nerf" de RAM!
"Vous avez eu de la chance, de pouvoir sortir du rayon! Et vous étiez bien faible, quand j'ai pris soin de vous!
_ Merci. Vous vivez ici?
_ Oui, c'est mon chez moi... C'est pas très reluisant, mais ça me suffit! Vous allez pouvoir vous mettre debout?
_ Oui, je pense que je vais y arriver... Ouh! ça tourne encore un peu!
_ Prenez un peu de thé sur la plaque...
_ Oui, merci... Bon, ça commence à aller mieux... et qu'est-ce que vous faites, sans indiscrétion...
_ Ah! Ah! Secret défense! Mais j' suppose que vous n'êtes pas du côté d' RAM, n'est-ce pas? Alors, j' peux vous le dire... J'attaque le système! Et ça fait vingt ans qu' ça dure! Mais ils m'ont jamais trouvé!
_ Ah? Et comment vous faites?
_ Voyez mon installation! Un ordi des années 2000, deux ou trois câbles et tout de même quelques trucs vicelards de mon cru!
_ Vous envoyez des posts?
_ Tout juste! Je suis branché sur le nerf de RAM et chaque jour, je fustige sa politique, son incompétence, sa bassesse, sa mégalomanie! Hi! Hi! J' mâche pas mes mots! Les puces doivent danser!"
Je regarde autour de moi... et je ne vois qu'un vieil homme dans une demi-obscurité... "Vous ne sortez jamais? J' veux dire, vous n'allez jamais au soleil?
_ Pas le temps... et puis ça m'intéresse pas! Faut qu' je cogne!
_ Hum, vous connaissez les petites vieilles au corps de mouche..., celles qui harcèlent les gens dans les magasins, parce qu'elles ne supportent pas d'attendre?
_ Non...
_ Vous ignorez sans doute aussi les hommes phallus, qui veulent qu'on admire leur membre!
_ Mais de quoi parlez-vous?
_ Et les décors, les hologrammes de chacun ne vous dérangent pas non plus?
_ Les holos...
_ Et tous ces bruits agressifs, tous plus saugrenus les uns que les autres! Et tous ces véhicules qui foncent et qui rugissent! Et toute cette haine qui ruisselle et qui agit comme du vitriol, cela vous ne vous perturbe pas davantage apparemment!
_ Mais où voulez-vous en v'nir?
_ Excusez-moi, mais ce que je vous décris, c'est bien le quotidien de RAM! Et c'est lui qui me blesse, me désagrège, m'enlève toute raison depuis que je suis ici... et non vraiment la politique du gouvernement!
_ Mais c'est RAM tout ça! C'est à cause de RAM que les gens sont comme ça!
_ Ah bon? Vous croyez donc naïvement qu'il suffit que le gouvernement change, pour que chacun évolue et devienne meilleur? RAM est influent, mais pas autant que ça... N'est-ce pas plutôt que nous sommes aveugles?
_ Je vous trouve de moins en moins sympathique...
_ Je suis désolé, mais je pense que vous devriez réfléchir... Vous savez pourquoi au fond nous nous piétinons et nous nous détruisons? C'est par peur... et j'ai l'impression que vous-même, privé de votre haine, vous seriez perdu, non?
_ Foutez le camp! Disparaissez!
_ Très bien, mais il fallait que je vide mon sac et que vous le croyiez ou non, c'était par respect pour vous! Comment peut-on sortir d'ici?
_ Y a la galerie là... ou bien le rayon, que vous connaissez déjà!
_ Et la galerie, elle mène où?
_ Je ne sais plus! Je vous ai dit de vous en aller!"
Je commence à marcher dans la galerie, qui heureusement est éclairée... "Bravo Jack! Qu'est-ce que tu lui as mis!
_ Julie?
_ Deux gauches, une bonne droite et le crochet final! KO!
_ Te revoilà! J'en suis content! Un moment j'ai pensé que RAM t'avait définitivement mis hors-jeu!
_ Je fais partie de la vieille garde, Jack! Mais, en réalité, dès que ta puce repart, moi aussi!
_ Bon, alors tu vas me dire où conduit cette galerie!
_ Mais je l'ignore totalement!
_ Et tu avais besoin de revenir dans mes pattes! pour ne pas savoir!
_ Tu es odieux, Jack! Un homme normal aurait songé à m'offrir des fleurs, pour fêter mon retour!
_ Tu ne crois pas si bien dire, Julie, car je vois la lumière du soleil!"
Je retrouve avec plaisir l'air frais, mais je suis tout de même dans un quartier déshérité, très loin des "cristaux" étincelants du centre! "Eh mec, t'aurais pas un crédit par hasard?"
Je ne regarde pas celui qui parle et continue ma marche! "Mec, la politesse voudrait que tu m' répondes! On n'est pas des bêtes!
_ Si j' t'ignore, c'est parce que tu me méprises! Tu te juges au-dessus du système, en n'en faisant pas partie, et tu me considères comme un mouton du troupeau! Et pourtant tu mendies! Mais ce qui te gêne le plus, c'est mon indifférence, puisque tu te vois comme supérieur! On doit subir un droit de passage, en ta présence, pas vrai?
_ Oh! là! Oh! là! Tu t'emballes l'intello! Tout ce que je sais, c'est qu'y faut pas m' parler comme ça! Mes potes et moi, on n'aime pas les caïds propres sur eux... et qui ont pleins de mots durs dans la bouche! Tu vois..."
Je regarde autour et il y a trois autres individus qui apparaissent, avec chacun une arme préhistorique! "T'as gagné la timbale, Jack, me murmure Julie. Une merveille de diplomatie!"
A cet instant, un éclair blanc fige l'un des assaillants, isolant sa silhouette! "Un médico-rayon, les gars! je crie. Sauve qui peut!" Je les vois s'enfuir, car de toute façon ils évitent toute autorité, mais je ne reste pas là non plus, car je ne veux pas finir en cobaye et je me mets à courir!
Je passe deux rues, à fond de train, mais derrière les éclairs blancs ne cessent pas et se reflètent sur les murs! Vite une porte capitonnée, je la pousse et je pénètre dans un endroit immédiatement silencieux, comme si tous les bruits du dehors n'avaient pas le droit d'entrer!
"Bienvenue, qui que vous soyez! me dit un visage souriant. Ici, vous êtes dans une totale sécurité, car c'est un lieu sacré! Ici, règne Celui qui domine toute chose et nul doute qu'Il vous aimera aussi!"
Je fixe une sorte de fenêtre et passe effectivement l'éclair blanc! Premier miracle!
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RAMsès!
- Le 17/04/2021
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"Dictée: "Des moutons... des moutonsss... paissaient.... paaîîsssaient....""
Topaze
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 12 avril: il existe une voie pour échapper à RAM! Elle permet d'atteindre les étoiles, d'y pousser son cri de fou, son cri de désespéré! Le cerveau y perd toutes ses chaînes! Il retrouve un rêve enfoui, une liberté sans limites!
Il se met à courir sans freins! Il perce tous les murs! Il se met à pleurer tellement c'est beau, grand, lumineux, tellement il est fort! Il boit au foyer primordial, qui est une énergie pure! Oubliée la boue de RAM, son agressivité, sa petitesse, sa bêtise!
A vrai dire, cette voie est un mystère... D'où vient-elle, car elle fait de l'homme un dieu? Elle le rend plus rapide que la lumière, plus grand que l'Univers, plus puissant que la vague, plus léger que le nuage! Cette voie quelle est-elle? Mais c'est celle de la musique!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 13 avril: "Jack, Jack, réveille-toi! Je t'en supplie!
_ Hein? Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?
_ Tu criais, tu te débattais dans un cauchemar!
_ Un cauchemar? Curieux! Pourquoi aurais-je des cauchemars?
_ Tu as été traumatisé!
_ Oui, depuis l'enfance! Je devais avoir douze ou treize ans et je me suis retrouvé, je ne sais comment, sur une voie ferrée! A ce moment-là, un train est arrivé... et j'ai commencé à faire de grands gestes, pour montrer que j'étais coincé! Mais le train m'est passé d'ssus quand même!
_ C'est affreux! Et comment tu t'en es sorti?
_ J'ai pris la forme d'un fil de fer et j'ai attendu que le fracas cesse! Depuis, je remonte le rail, pour savoir d'où venait le train!
_ Et que feras-tu quand tu auras trouvé la gare?
_ Je noterai son nom... et j'irai me plaindre à la police!
_ C'est tout toi, ça! Quelle correction!
_ Bon... et si on redevenait sérieux! La torche n'est pas loin de s'éteindre... C'est à cet instant que tu dois déchirer un pan de ta chemise, pour alimenter la flamme!
_ Quoi?
_ C'était comme ça, dans les anciens films! On découvrait alors un peu plus de l'anatomie merveilleuse de l'héroïne!
_ Tu s'rais pas en train de t'échauffer?
_ Non, d'autant qu'on est maintenant dans le noir!
_ Par tous les octets de Ram!
_ C'est curieux, mais il y a une légère lumière bleue dans la galerie..."
Je me dirige lentement vers la source... A un endroit, le souterrain a comme une chambre et je me retrouve derrière un homme, assis, qui contemple un écran bleu! "Hem! Excusez-moi, mais je passais par là... A vrai dire, je suis sans doute perdu!"
La scène reste parfaitement immobile... On entend juste le souffle de l'écran... Je m'approche encore plus... "Monsieur, je ne voudrais pas vous déranger, mais..." Rien ne se passe et je tends la main, pour toucher l'épaule de l'homme... A cet instant, sa tête vacille, se décroche et tombe sur le sol, où elle éclate en poussière!
Je me retiens de hurler! Du cou s'échappent des vers et une odeur infecte me fait vivement reculer! "Il est mort, Julie! je bredouille.
_ Tu es sûr?
_ Hon! Hon! Il est sans doute décédé devant son écran...
_ C'est triste!
_ Oui, mais c'est aussi étrange! Car que faisait-il là? S'il surveillait quelque chose, pourquoi n'a-t-il pas été remplacé?
_ Il agissait peut-être pour son propre compte! Ce qui te manque, Jack, c'est une pipe! J'ai lu quelque part que tous les bons enquêteurs en avaient une!
_ T'es vraiment un logiciel?
_ Je suis la meilleure de ma génération!
_ Bien sûr, pour une fois j'ai de la chance... Cet écran m'intéresse, Julie, car il pourrait nous servir de lampe... Malheureusement il est branché!
_ Il y en a un plus petit à côté, qui doit être autonome... Je vois ce que tu penses, Jack, avant même que tu en prennes conscience!
_ Tu me rediras ça à l'envers une autre fois! Mais, tu as raison, c'est un ancien Smartphone, en recharge... Je le libère et...
_ Et il s'envole, bravo Jack!
_ Vite, suivons-le! Il nous mènera bien quelque part!"
Je cours après la petite lumière, qui danse dans la galerie. Je devrais m'en étonner, mais je n'ai pas le temps, car l'objet va de plus en plus vite et il finit par être happé par l'entrée d'une vaste salle, où il disparaît dans un flux qui se dresse au centre, telle une colonne d'un bleu quasi immatériel!
L'endroit est impressionnant, surmonté d'une voûte, avec ce flux étrange qui sort du plancher et s'échappe par le haut! "Qu'est-ce que c'est? je demande à Julie.
_ C'est sans doute un nerf de RAM!
_ Un nerf de RAM?
_ Mais oui, toutes les informations que nous échangeons, par la puce, doivent bien circuler... et sont même recueillies!
_ Tu veux dire qu'il est possible pour RAM de savoir qui on est et... ce qu'on pense!
_ Sans doute... Encore faut-il que ça l'intéresse!
_ Bien sûr, bien sûr, il ne faudrait pas que je me prenne pour une star! Mais, dis-moi, que se passerait-il si je pénétrais le rayon? Car, vois-tu, il pourrait peut-être nous aider à revenir à la surface!
_ Eh bien, à vrai dire, je ne sais pas...
_ Co... comment? La magnifique Julie, l'incollable Julie prise en défaut! Et je suis tout seul ici, pour assister à cet événement!
_ Je vais demander à quitter le service!
_ Ne fais pas ça, Julie! Si je comprends bien, tu t'adaptes à ton client! Tu deviens en quelque sorte son miroir...
_ Pouf! Je suis bien plus que ça!
_ Voilà, c'est exactement ce que je veux dire! Mais, je vais essayer d'y mettre le doigt... dans ce nerf de RAM!"
J'approche la main du flux, la plonge dedans et... il ne se passe rien... C'est un peu tiède, c'est tout! Alors, je m'introduis en entier dans cette substance, qui n'en est pas vraiment une. "Tu m'entends, Julie? Je crois que nous sommes dans la peau d'un ado!
_ Oui, mais il nous faut chuchoter..., car il pourrait peut-être nous entendre...
_ Je suis le maître! le plus fort! Je domine les autres, je leur suis supérieur! Le monde, c'est moi... et rien d'autre! Mon père, cette baudruche! je le ménage, tant que je ne suis pas indépendant financièrement! Par contre, les filles de mon école, elles vont apprendre le respect! Comment m'ont-elles appelé? Le morveux! Elles vont ouvrir la porte de leur vestiaire et boum!
_ Il est fou!
_ Chut! Moins fort, Julie... Je me déplace un peu...
_ Capitaine Lenormand... Nous entrons dans une salle... Nos deux fuyards n'ont pu que passer par là!
_ Très bien, capitaine! Ici, Miniers, en compagnie du commissaire Brocart... Nous suivons votre opération!
_ Nous passons au pied de tours, qui ont de curieuses niches... Mais qu'est-ce que...? On nous attaque! Tatatatataaaa! Aaaaaah! Repli, repli, bon sang! Arrrgh! Tatttaattta!
_ Lenormand, répondez ! Qu'est-ce qui se passe?
_ On leur a fait couic!
_ Doucement, Julie... Je change encore de position...
_ Elle s'appelait Sophie... Sophie Prémel!
_ Vous l'aimiez, n'est-ce pas?
_ Bon sang! Friant n'est donc pas mort!
_ Du calme, Jack, tu te rappelles... En tout cas, on a l'air de s'occuper de lui!
_ Ah! Te voilà! Il y a déjà un p'tit temps que je te cherche!
_ Quoi? Qui êtes-vous?
_ Mais je suis RAM!
_ RAM? Je croyais que c'était une ville!
_ Ah! Ah! Tu veux voir à quoi je ressemble?"
A cet instant, je vois le cosmos et un géant qui a le pied sur notre planète! "Je pourrais te briser comme un fétu, mais tu m'es tout de même précieux, car tu es le vaccin!
_ Vous savez, j'ai dit ça surtout pour sauver ma tête!
_ Et tu viens à moi! La partie de cache-cache est terminée!
_ Qu'est-ce qu'on fait, Julie? Julie?
_ J'ai soufflé d'ssus... et elle n'est plus! Ah! Ah!"
Je suis soudain pris d'une étrange langueur... Des milliers de voix m'entourent, me soûlent, m'emportent tel un courant... Je rugis pourtant et gratte la pierre, que maintenant mes mains touchent! Lentement, lentement, je sors du flux et m'évanouis!
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RAMDAM!
- Le 10/04/2021
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"Vous avez mal?
_ Juste quand je respire!
Chinatown
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 7 avril: il existe une très vieille légende sur RAM! On raconte que dans ses profondeurs, en compagnie de la vermine grouillante, vit la déesse noire!
On lui a donné ce nom, faute de connaître le sien, car on dit aussi qu'elle n'a pas d'âge, qu'elle était là dès la création de l'Univers, sous la forme d'une antiparticule! Puis, elle aurait accompagné le souffle de la lumière, été présente dans chaque maternité d'étoiles et la captivité de la roche refroidie ne l'aurait pas gênée!
Encore, elle aurait profité des pluies et de l'étendue des océans! La vie l'aurait excitée! D'abord, le combat silencieux des plantes, mais surtout la dent sanglante des carnivores l'auraient ravie! Mais, c'est chez l'homme qu'elle se sent le mieux, au point quelle prenne l'apparence d'une vieille infirme!
Ainsi, elle paraît inoffensive, facilement maîtrisable, mais, si on s'en approche, elle se relève soudain et vous cravache le visage! La lèvre et le ventre en feu, on ne rêve plus que de la tuer! Mais, elle, impérieuse, dit: "Va!" et on va pour détruire, écraser tout ce qui se présentera!
Journal de Jack Cariou, chez les antipuces, mercredi 7 avril: "Vous vous connaissez? demande un antipuce à Friant, en me désignant.
_ Il a tué l'amour de ma vie! répond Friant. C'est pourquoi je vous demande de me le laisser!
_ D'accord! Mais vous allez en faire quoi?
_ Je suis un ancien marin pêcheur... Mes bras sont en acier et je vais lui tordre le cou, comme à un poulet!
_ Ah! Ah! Et on peut rester?
_ Si vous voulez...
_ Eh! Une petite minute! Une petite minute! je fais. Vous ne savez sans doute pas ce qui se passe là-haut? C'est un vrai ramdam!
_ Ah bon?
_ Ouais, y a un virus qui circule et qui tue les gens! Et devinez qui est le patient zéro? C'est l' gars qui a les bras en acier!
_ Hein?
_ Oui, son amour est morte du virus et il l'a embrassée, fou de douleur!
_ Et comment se fait-il que vous restiez tranquillement près de lui?
_ Parce que moi j'ai été vacciné!
_ Quoi? fait Friant. Vous êtes vacciné?
_ Mais oui, je l'ai été par Gestin lui-même! Hum, Friant, nous sommes seuls maintenant!"
Il regarde autour et effectivement il n'y a plus personne! "Ecoutez, Friant, au sujet de Sophie, vous devez vous raisonner! Seul le virus est responsable!
_ Je sais bien! Mais j'ai vu le bonheur... et il m'a été arraché!
_ Je vous comprends... Mais dites, vous allez peut-être pouvoir m'expliquer ce qu'on fait là?
_ Mais je l'ignore également! Je me suis retrouvé sur un trottoir, où ces gars-là m'ont ramassé... Mais pourquoi je ne suis pas malade, si je suis contaminé?
_ Vous devez être asymptomatique! Mais ça ne veut pas dire que le virus va vous laisser tranquille! Bon... et elles mènent où, ces galeries?
_ J'en connais seulement une partie...
_ Et si on continuait l'exploration? Ce n'est pas ici qu'on trouvera une réponse à nos questions!
_ Bien, mais il faut allumer des torches!"
Nous avançons entre des murs très anciens et suintants, qui prennent une couleur sanglante, à la lueur de nos flammes... "C'est vrai que vous êtes pucé?
_ Mmmouais...
_ Et ça fait comment?
_ Eh bien, je dirais qu'on se sent moins libre... C'est comme si on était attaché à quelque chose... J'ai même une hôtesse, que j'appelle Julie et qui me répond, quand je lui pose une question!
_ Non!
_ Si, mais je ne lui parle pas devant vous, car j'aurais l'air d'un fou!
_ Quel monde étrange!
_ Mais qu'est-ce qu'on entend là?"
Depuis quelques minutes, le bruit régulier de quelque chose qui glisse me perturbe... "Oui, je sais de quoi il s'agit... Je vais vous montrer!" précise Friant. Nous escaladons bientôt une échelle de fer, pendant que le bruit devient un véritable boucan! Nous sommes maintenant au-dessus d'un énorme conduit et Friant me désigne une grille, laissant voir l'intérieur...
"Des livres?
_ Oui, il y en a des milliers! On m'a expliqué que c'est les éditeurs qui choisissent un thème et ça inonde les étals des librairies! Le client en est comme écrasé!
_ Un bon moyen pour faire du profit!
_ Sans doute, mais prendre les gens pour des gogos, c'est aussi façonner une pensée unique! Les antipuces appellent ça: "Donner à manger aux cochons"!
_ Hem, ils n'ont pas tout à fait tort!"
Nous reprenons notre marche et les parois ont l'air de dater de l'Antiquité, avec leurs pierres de plus en plus grosses! Je note aussi que depuis un moment nous descendons... et soudain nous sommes face à une salle immense, dont nous ne voyons même pas les extrémités!
Au milieu, cependant, des tours épaisses sont criblées de niches! "A quoi peuvent-elles servir? je demande.
_ Je ne suis jamais venu ici, mais les antipuces m'ont raconté de drôles de choses..., au sujet d'internautes qui n'auraient pas trouvé leur place sur RAM et qui seraient venus se réfugier ici... Ils auraient même muté à force, paraît-il!"
Le silence est impressionnant, tellement qu'il en paraît oppressant, menaçant, mais nous n'avons pas le choix: il nous faut traverser cette salle! Je regarde ces tours et brusquement quelque chose me saute sur la nuque! Elle essaie aussitôt de me mordre et je m'efforce de m'en protéger avec les mains, quand la torche de Friant la brûle et la fait tomber sur le sol!
C'est une créature qui a la moitié de ma taille, toute velue, avec des yeux de poissons morts et des dents pourries! "Seigneur! s'écrie Friant. Vite Cariou, il faut courir, elles sont des centaines!" Je lève le nez et je vois effectivement de petits corps qui sortent des niches, comme de l'eau qui coule!
Nous sommes écœurés et terrifiés! Mes cheveux sont dressés et il me semble courir dans le vide, tant je parais lent, comme ralenti par l'épouvante! Autour, c'est un flux grossissant et qui n'a qu'une rumeur! Les petites bouches disent RAM, RAM, ce qui devient dans mon oreille: MIAM, MIAM!
J'ai envie de vomir, mais l'entrée de la galerie opposée est visible et nous nous y précipitons, conscients que déjà ce passage resserré va freiner nos poursuivants! Nous ne cessons notre course folle! J'entends Friant souffler et brusquement nous stoppons! Devant nous, un courant d'une violence inouïe nous barre le passage! L'obstacle semble impossible à franchir!
Mais Friant jette sa torche par-delà le torrent et sous mon œil stupéfait, il saute sur deux anneaux fixés au-dessus de l'écume! "Allez-y, Cariou! me hurle-t-il. Accrochez-vous à moi... et j' vous balancerai de l'aut' côté! Le gars aux bras d'acier tiendra le coup!"
J'avale ma salive et je me jette sur Friant, m'agrippe à lui et grâce ses muscles puissants, il me fait glisser sur la berge! "Attrapez-moi maintenant!" me crie-t-il. Je me retourne pour le saisir: "Frriiiant!" Il a disparu! Je n'ai même pas eu le temps de voir quelque chose!
En face, les créatures forment une masse effrayante et grimaçante! RAM! RAM! Je suis pourtant pris d'un étrange malaise... Je voudrais retraverser le torrent pour les anéantir, pour les brûler une à une avec ma torche et entendre leurs gémissements! Mais je redeviens lucide et je recule dans la galerie, qui se poursuit. Puis, je fonce, jusqu'à m'essouffler et les yeux en larmes, j'appelle: "Julie! Julie!
_ Oui, oui, je suis là...
_ Pourquoi tu chuchotes?
_ Parce qu'ici le réseau est très mauvais!
_ Tu n'aurais pas peur plutôt!
_ Non, non, j' t'assure que je suis même incapable de te dire où on est!
_ Alors, y a qu'à continuer!
_ Tu songeais revenir en arrière?"
Commissariat principal de RAM, jeudi 8 avril: "Entrez, entrez Minier! dit le commissaire Brocart. Vous voyez le vase bleu là-bas? Eh bien, je vais tirer dans la direction opposée! Et hop, tout de même le vase éclate! C'est notre nouvelle arme, Minier! Les balles sont dirigées par la pensée! Hein? Heureusement que j' vous ai à la bonne!
_ Ah! Ah! Dites, patron, y a un drôle de type qui dit s'appeler MG et qui voudrait vous voir!
_ MG? Diable! Hem, bon, faites monter!"
MG entre. "Je vous avais dit de ne jamais venir ici, MG! s'écrie Brocart. Y a sûrement des taupes antipuces dans le service! Eux aussi ont leurs espions! Et vous voulez qu'ils vous reconnaissent... et qu'ils vous tranchent la gorge dans un coin sombre!
_ J'ai pas pu attendre, j'ai du lourd! Mais, attention, cette fois-ci, je veux dix mille crédits!
_ Bien sûr et une haie d'honneur en plus!
_ Je sais où est le patient zéro et même qu'il y a un vaccin!
_ D'accord! Je préviens le comptable, qui va payer vot' puce! Et après vous me racontez toute l'histoire!"
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RAM TOUJOURS!
- Le 03/04/2021
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"Dis plutôt qu'elle ne t'aime pas!"
Cyrano de Bergerac
Journal de Jack Cariou, lundi 29 mars: "Bienvenue dans le monde de RAM! Il fait beau et c'est le printemps! la fête du culte de soi en vérité! Car RAM vous glorifie, vous magnifie, rend hommage à votre réussite, salue votre lumière, et parle de vous et encore de vous, ô mes étoiles!
Qui est le modèle du jour? le phare, l'exemple? Qui va nous ensorceler par ses qualités, sa modestie, sa droiture, sa ténacité dans le travail? Qui est percutant et talentueux? Qui mérite notre admiration et notre argent? Quel est le cristal qui brille? Quel ego va nous ravir? Attention, les dés roulent sur le tapis vert des histoires, des ascensions!
A quand la tienne, cher cœur? Tu sais que RAM est là pour toi, qu'il veille à ton bonheur où que tu sois! Tu es le miroir de RAM! Sans ta jeunesse, le royaume dépérit! C'est toi, en réalité, le pouvoir! RAM a besoin de toi! Aime RAM, comme il t'aime! C'est toi l'avenir, la fusée, le diamant de RAM! Tout est nuit dehors, tu le sais bien!
On nous dit qu'un virus est en ville! On parle d'un confinement! Eh! Mais RAM en a vu bien d'autres! Le royaume saura se défendre! Que peut faire un virus contre les chevaliers de RAM? On vaccine déjà, dit-on! Etoile et tu retourneras étoile! C'est le secret! Voilà la clé!
Dans l'eau sombre de l'oubli, tu gis, corps diaphane, caressé par le courant pur! Tu te réveilleras et éclatera ta force! Que ta beauté féminine ou masculine épouvante les ténèbres! RAM est ta maison ensoleillée... C'est ton berceau que tu protèges!"
Palais de RAM, mardi 30 mars: c'est une vaste salle, avec des colonnes de porphyre. Au centre, sous un rayon qui tombe, des disques cérébraux gèrent le fonctionnement de RAM!
L'un, celui du chef, se met à scintiller avec des sons étranges, que nous devons traduire ici: "Professeur, qu'est-ce que c'est cette histoire de virus?
_ Malheureusement, ce n'est pas une histoire, Président! Il y a bien un virus qui se répand et qui tue!
_ N'avons-nous pas un vaccin, car c'est bien gênant! RAM n'est pas gratuit! Il faut que le rêve rapporte! Comprenez, nous tournons dans l'espace à une certaine vitesse... Si nous sommes ralentis, une angoisse gravitationnelle va nous saisir! Cela veut dire une panique épouvantable! C'est notre mouvement qui nous fait croire à une éternité... et qui nous évite de penser! Construire sans cesse, investir, jouer les termites, râler même, manifester, tout sauf le repos, la contemplation, la réflexion, le silence, la vérité!
_ Je comprends bien, monsieur le Président...
_ Vous savez ce qui nous pend au nez, professeur? C'est le trou noir de l'économie! Nous avons ce monstre aux fesses... et il faut les tenir serrées!
_ Bien sûr, Président, mais le virus nous préoccupe... Il faudrait déjà trouver le patient zéro, afin de contrôler la chaîne de contamination!
_ Hum! Nous sommes déjà à sa recherche..., coupe le ministre de l'intérieur.
_ Bien! fait le président. Et ça donne quoi?
_ Hum! C'est assez compliqué! RAM, comme vous le savez, a plusieurs niveaux de lecture... Toutefois, le patient zéro ne peut que venir de l'extérieur...
_ Concrètement, qu'est-ce que vous voulez dire?
_ Rien que hier, on a pu noter dix bébés tués, quatorze femmes découpées, vingt meurtres... Je passe les viols, les vols, les agressions! On a des choses plus étranges... On a retrouvé dix mille canards empalés, quarante pelleteuses brûlées et une trentaine d'ados castrés! Deux fleuves encore ont été colorés en jaune!
_ Mon Dieu, glisse le professeur!
_ Laissez Dieu où il est! jette le Président. Ici, on est entre gens sérieux, pour un bisness sérieux! La vitrine de RAM tient le coup, c'est tout ce qui compte! Bon sang, il me faut la peau de celui qui est en train d'amplifier le merdier!
_ Il y aurait bien une hypothèse, rajoute le professeur... Pourquoi ne pas voir du côté des antipuces? Ils vivent dans la crasse... L'un d'eux chope le virus et il entre en contact avec un pucé... et hop!
_ Hop! C'est aussi simple que ça! Pour me causer des problèmes, c'est toujours simple! Mais, monsieur le ministre de l'intérieur, que pensez-vous de la piste du professeur?
_ Hum! Elle est intéressante, certes! Nous allons tout mettre en œuvre pour la suivre!
_ Bien, et pour le vaccin?
_ On y travaille, évidemment! répond le professeur.
_ Parfait! Qu'on nous régénère!"
Des serviteurs longilignes, au visage impassible, s'approchent et font descendre un orgue à quartz. Des ondes cosmiques emplissent la salle, des rayonnements d'étoiles mortes, des grincements de planètes stériles, des errances de comètes, des pans de matières noires fusionnent en une nourriture verdâtre et phosphorescente, pour baigner lentement les cerveaux, qui ont des secousses, comme des soupirs d'aise!
Journal de Jack Cariou, mercredi 31 mars: "Julie, j'ai faim!
_ Rien de plus facile! Ici, pour avoir du pain, il suffit de cligner des yeux devant la caisse, ce qui t'enlève un crédit!
_ Et si j'ai des tics!
_ Tu sors en slip! Idiot va! La volonté est prise en compte par la cellule! Mais, dans les archives de RAM, on peut lire que certains, avant de prendre leur petit déjeuner, devaient d'abord faire du feu, pétrir la pâte, avant de la faire cuire! Quel travail!
_ C'est pourquoi je ne vois que des sourires autour!
_ Mais oui!"
J'entre dans une boulangerie, où je vois le pain en apesanteur, pour apparemment mieux circuler... J'hésite sur les viennoiseries qui flottent, quand je ressens une violente piqûre dans le dos! Je me retourne et je vois une grosse mouche, qui vrombit, pleine de haine à mon égard!
"Mais qu'est-ce que...?
_ Attention, Jack! me dit Julie. C'est une vieille RAM!
_ Et alors, elle est folle?
_ Elle juge que tu as pris trop de temps à choisir....!"
La créature est maintenant au plafond et se prépare pour une nouvelle attaque! "Mais j'ai même pas compté jusqu'à cinq, depuis que j' suis entré!" je crie. Des yeux morts et des lames qui sortent de la bouche! Oh! Oh! Je me saisis d'une chaise et m'en protège, mais elle vole en éclats!
Je prends alors un outil agraire d'une autre époque et qui sert d'ornement... Quand la petite vieille fonce à nouveau, je la frappe violemment sur le côté et elle va buter contre le comptoir. Elle est sonnée et ses ailes froissées ne battent plus que mollement! "Tu n'aurais pas dû faire ça, Jack! fait Julie. Ici, les petites vieilles sont sacrées! La police va arriver!
_ Mais c'est qu'elle m'aurait tué, la garce!"
Toutefois la police ne me préoccupe pas, car il y a maintenant plusieurs petites vieilles qui bourdonnent et qui tapent contre la vitrine, impatientes de me détruire! Je file par l'intérieur du magasin, sous le regard médusé des employés! Je trouve une porte et je sors dans le rue, où je suis pris par un étrange défilé!
Des hommes avec un haut serré, un drôle de chapeau arrondi et des ballons aux hanches, m'entraînent avec eux! Puis, il s'arrêtent et se mettent à danser avec le même mouvement, tout en chantant! Je ne les quitte pas, car pour l'instant ils me protègent! Mais voici ce que j'entends!
"Nous sommes les hommes bites! Vois not' paquet! comme il gonfle ton orbite! C'est nous les chefs, okay!"
A ce moment, un liquide blanc gicle au-dessus de leurs têtes! sans doute grâce à une poire... Je voudrais m'échapper, mais je repère des petites vieilles mouches, qui continuent à me chercher. Finalement, moi aussi, je suis le rythme et les paroles: "Nous sommes les hommes bourses! Entre nos jambes, un poids... nous entraîne dans sa course! En dehors de nous, pouah!"
Je dois être maladroit, ou peu convaincant, car un coup de pied aux fesses me sort du groupe et, en me tâtant le bas du dos, je regarde s'éloigner ces étranges personnages!
Cependant, je n'ai pas trop le temps de réfléchir, car des éclairs blancs figent soudain quelques passants non loin de là! "Qu'est-ce qui se passe? je demande à Julie.
_ C'est un médico-rayon! Il est envoyé par une navette... Il cherche le patient zéro!
_ Julie, j'ai bien peur que ce soit moi, le patient zéro!
_ Par tous les octets de RAM! Ce n'est pas possible! Oh! Jack, comment as-tu pu? Et moi, est-ce que je ne risque pas quelque chose?
_ Au lieu de pleurnicher, tu f'rais mieux de trouver une solution! Sinon toi et moi, on va passer à la casserole!
_ Mais à vos ordres, monsieur Jack! Oh! J'y suis, les égouts! Jack! Impossible pour le rayon de t'atteindre là-bas!
_ Bon... et comment on y va!
_ Tu vas aimer, j'en suis sûr! Il faut sauter dans le fleuve... et rejoindre la bouche!
_ Jamais je saurai si c'est pas une vengeance! Mais j'ai pas le choix!"
Je fais donc un plongeon dans le fleuve d'à côté et si la température n'est pas trop éprouvante, j'ai tout de suite l'impression d'être sale, dans une eau huileuse et affreuse! Puis, je nage tout de même vers une ouverture, au ras du courant... Je m'y hisse et avance dans un conduit boueux et puant!
Enfin, ça s'élargit et me voilà trempé dans une salle... Il faut y aller à tâtons, mais soudain une lampe s'allume, une bonne vieille lampe tempête! "Tiens, tiens, on a de la visite on dirait! fait une voix.
_ Un pucé sans doute! dit quelqu'un d'autre, avec un visage noirâtre. Peut-être qu'il a voulu mettre fin à ses jours...
_ Qu'est-ce qu'on fait? On le mange?
_ Paraît pas bien ragoûtant!
_ Il est à moi!"
Je reconnais celui qui parle: "Friant?" "Lui-même, Cariou! Va falloir payer!"
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PSYCHO-RAM!
- Le 27/03/2021
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Journal de Jacques Cariou, monde de RAM, lundi 22 mars: "Comment ça, vous ne voulez pas dominer! Vous ne voulez pas réussir, briller en société, être un exemple pour vos enfants, faire la fierté de votre femme? Dépression! Dépression!"
Le Psycho-RAM tourne autour de moi dans la pièce. C'est une bulle comme une petite télé, apparemment réelle, avec une tête chenue et souriante dedans, qui me parle: l'image même du psy épanoui! Pourtant, les cheveux précocement couleur neige, c'est un signe de peur!
"Comment ne pas vouloir dominer? Quoi de plus naturel? Regardez le sport, la joie de la performance! Vous êtes en vie que diable! Agissez, foncez, osez! Quand vous serez mort, vous aurez tout le temps pour réfléchir, vous apitoyer! Si je vous parle aussi vertement, c'est parce qu'avec les dépressifs faut pas s'amollir, entrer dans leur jeu! Les ranimer, même par la haine, ainsi qu'on les frotterait avec un gant de crin, voilà ce qu'il faut faire!"
La bulle monte, descend, accélère, ralentit au rythme de ses propos! Je l'ai appelée sur les conseils de Julie, j'ai cédé parce que j'étais sans force, désemparé, mais je m'aperçois que c'est encore pire que ce que je redoutais! Toutefois, le discours que j'entends doit avoir une certaine utilité!
"La société vous attend, Jack! Elle veut de vous le meilleur et... elle vous le rendra au centuple! Ne soyez pas du camp des perdants, des éternels contestataires, de ceux qui crient comme des bébés! Ne me décevez pas, Jack! Debout! L'avenir vous appartient, car vous faites partie des forts! N'est-ce pas, Jack? Personne, absolument personne ne doit vous marcher sur les pieds!"
Un air électronique et entraînant envahit la pièce et le Psycho-RAM a pris une couleur rouge: il s'échauffe! "En haut de l'échelle! C'est là que je veux vous voir, Jack! Votre sourire illuminant les couvertures des magazines! Votre parcours, votre témoignage donnant du rêve, affirmant que tout est possible! De la lumière, Jack, apportez-nous de la lumière! Nous en avons tant besoin! Célèbre et bienfaiteur de l'humanité, voilà votre futur portrait!
Sinon, si vous avez peur, vous savez ce qui va vous arriver? Dépression! Dépression, Jack! Amertume, chagrin, haine et fermentation, Jack! Le microbiote, Jack, nous en avons plus d'un kilo dans le côlon! 100 000 milliards de bactéries pour 10 000 milliards de cellules! A qui faut tendre la main, Jack? Aux petites bêtes, bien sûr! Vous voudriez pas les peiner, hein Jack? Le syndrome du côlon irritable, le SII vous connaissez? C'est des douleurs inexpliquées, sans véritable traitement, et pourtant c'est tellement destructeur!
Dans la solitude, Jack, on digère des tôles, on a des piqûres d'aiguilles! On charrie des tessons de verre! On a peur et on pète interminablement!
On sue la nuit, Jack! On se retourne sur sa couche, comme un steak sur le gril! Au matin, on ne désire plus qu'une pelle pour creuser son trou, que les souffrances cessent! Tout ça parce qu'on a laissé entrer l'anxiété, qu'on la prise au sérieux, qu'on a craint de prendre des coups, qu'on a baissé la tête devant les plus forts et les incivilités!
C'est le sort du gibier, du petit, du foireux, Jack! Vous vous voyez vous tenant le ventre, toujours aux aguets, avant d'aller aux toilettes, pendant que d'autres rient sur le tapis rouge et que leurs noms brillent comme les étoiles!
Vous ne dites toujours rien Jack, vous vous cachez, mais pas pour longtemps! Grâce à RAM, votre enfance n'a plus de secrets pour nous et elle vient maintenant s'afficher sur les murs de la pièce! Ce n'est pas de la magie, Jack, simplement la science en marche! Mais que voyons-nous?
Non, mais regardez-moi ça! Le pauvre garçon effacé, éteint, quasiment diaphane! Invisible sur les photos de classe! Comment est-ce possible, Jack? Ah! Mais voilà la mère castratrice! abusive, ivre de son pouvoir! tracassière sans relâche! Pauvre Jack! Vous avez dû morfler, mon pauvre vieux!
Ne vous offusquez pas de mon ton, toujours le gant de crin, hein! Et à côté de la mère comme un rouleau compresseur, l'aîné, plus fort physiquement et qui vous met des raclées, qui se moque de vous comme il veut! Lui, c'est le modèle pour la famille, l'excellence, la route normale de la réussite! tandis que vous, Jack, vous êtes le besogneux, le gars à problèmes, le souffre-douleur!
Est-ce que vous n'auriez pas posé des difficultés pour qu'on s'occupe de vous? Est-ce que ça ne continuerait pas encore aujourd'hui? Est-ce que je suis là pour vous rendre intéressant? J'espère que non, Jack! Car je n'aime pas les narcissiques, Jack! J'aime pas les bébés qui prennent mes chaussettes pour leurs couches!
J' veux du muscle, du caractère, de la révolte! La vie est une lutte, Jack! N'avez-vous pas envie d'inverser la tendance, que votre mère se dise qu'elle s'est trompée, que vous n'êtes pas un minable? Ne voulez-vous pas que votre grand frère devienne votre débiteur, qu'il soit conduit à vous appeler à l'aide, alors que vous faites la sourde oreille?
Comme ce serait doux, hein, Jack, d'entendre leurs supplications et leurs gémissements! Quelle revanche!"
Le Psycho-RAM est maintenant bleu-vert, signe d'apaisement, de profondeur... "Vous êtes le meilleur, Jack, et vous ne le savez pas! Vous valez mieux qu'eux! Vous êtes plus humain, plus sensible et ils vous ont broyé! Y s' foutent bien de votre gueule, allez! Au diable, vos scrupules, Jack! Ils rient et vous pleurez! Ils fêtent et vous êtes seul, avec vos blessures! Ils sont les rois et vous êtes dans la boue, la nuit!
On va pas attendre que vous répariez un à un vos traumatismes, Jack! On va faire mieux, grâce à la science! On va aller plus vite et plus radicalement! C'est sans douleur et ça touche l'épigenèse, Jack! Vous connaissez? Les connections neuronales! Le circuit fonctionne, mais certains fils ont été montés à l'envers ou sont dénudés! à cause de votre enfance malheureuse et troublée!
On corrige le circuit, Jack, car on sait le faire! On laisse ses névroses dans le bloc et on en sort en titan, en demi-dieu! Les chagrins vont mendier ailleurs, Jack! A nous le soleil... et les crédits bien sûr! A nous le pouvoir et... le bonheur, Jack! On domine et on jouit! Et... et je disparais! Ah! Ah! Vous n'aurez plus besoin de moi! L'affaire est dans le sac, Jack! Hein, qu'en dites-vous?
_ En somme, vous m'invitez à devenir comme mon frère et ma mère?
_ Exactem... Mais non, mais non, vous serez bon tout en dominant! Vous avez l'expérience pour vous!
_ Vous pensez vraiment qu'on peut dominer sans piétiner les autres? Non, ce n'est pas possible! Mais justement, dominer, ce n'est pas voir les autres! Ils ne sont qu'une gêne ou un obstacle, qu'il faut pousser! On domine parce qu'on n'est pas fait soi-même! On croit que le monde n'est qu'une extension de sa propre personne! Mais vous êtes-vous demandé pourquoi il en est ainsi?
_ Allez-y, Jack, révélez-vous!
_ Pour ma part, triompher sur un autre, me satisfaire de sa crainte ou de son admiration m'a toujours paru ridicule; à l'échelle de notre planète, de l'Univers et de notre mort! Mais c'est précisément pour échapper à ce vertige, à cet abîme, que les hommes dominent frénétiquement et se détruisent!
_ Vous y êtes, Jack! Continuez!
_ Savez-vous qu'il suffirait que chacun prenne un tout petit peu sur lui, chaque jour, pour que nous soyons au paradis! Il suffirait que chaque jour chacun s'efforce d'avoir un peu moins peur, se montre un poil plus patient, pour respecter l'autre, et on pourrait danser dans un gigantesque festival de couleurs! Mais même ce minuscule effort, cet infime exercice est comme arracher les entrailles de la plupart!
_ Je ne vous aime pas, Jack! Vous savez?
_ Oui, vous m'avez détesté dès que vous m'avez vu, mais il vous a fallu le cacher!
_ Vous exagérez!
_ Mais non, vous avez tout de suite senti que vous ne me dominiez pas, que je n'étais pas impressionné, que je ne vous admirais pas! Non que je vous fusse hostile, ce qui vous aurait rassuré! Mais, malgré ma douleur, je ne vous ai pas naturellement considéré comme un maître, d'où votre haine! Inutile de dire aussi que votre savoir, dans ces conditions, n'est que pacotille, car c'est votre pouvoir et la servilité des autres qui garantissent votre équilibre!
_ Petit morveux! Espèce de salopard! Je vais t' gratiner, moi, tu vas voir!"
A ce moment précis, je prends conscience que le décor a changé: le Psycho-RAM est pourpre et deux infirmiers, comme des armoires à glace, viennent d'entrer dans la pièce! J'ai beau savoir qu'ils ne sont que virtuels, je ne peux pas m'empêcher de frémir, mais il faut que je m'échappe et je passe à travers les deux images, qui essaient de m'agripper!
Dans le couloir, j'ai la mauvaise surprise de voir que l'hologramme du Psycho-RAM s'étend encore jusque-là et d'autres infirmiers et des malades gênent ma fuite! Je bouscule tout le monde, comme si je déchirais un cauchemar, tandis qu'un message sinistre résonne à mes oreilles: "Attention, attention, un schizophrène dangereux, un narcissique de la pire espèce, un SII gluant, un égocentrique à tendances paranoïdes est en train de s'enfuir et représente une menace! Attention, attention, je répète..."
C'est la poésie de la science fâchée! celle qui oublie tous ses devoirs (et qui d'ailleurs ne les a jamais connus!)! Mais soudain je retrouve des décors de toutes sortes et je me calme, car je suis de nouveau dans la foule! "Tu as eu une bonne idée, Julie!
_ Excuse-moi, Jack, mais c'était la logique! Tu n'allais pas bien, on appelle un psy!
_ J'aurais vot' peau, sale fumier!
_ Hargh! Et ça c'est quoi Julie?
_ C'est le Psyco-RAM! Il est sur ta messagerie!
_ Bon sang! Tu peux pas le mettre dans les indésirables!
_ Hop! C'est fait!
_ Vois-tu, ici, la domination est folle! Elle ne connaît plus de bornes! Il lui faudrait tomber sur un bec, pour qu'elle se remette en question!"
A ce moment, une sirène hurlante déchire l'air, pour une urgence absolue, semble-t-il, et une ambulance vient freiner tout près! "Allons voir!" dis-je à Julie.
Un homme est étendu sur le trottoir et le survole une drôle de petite machine. "C'est un Scan-RAM! m'explique Julie. Il examine au mieux la personne..."
Soudain, le Scan-RAM se met en alerte et crie: "Attention! Attention! Ecartez-vous! Ecartez-vous! C'est un décès dû à un virus! Je répète: un décès dû à un virus! Les ambulanciers doivent revêtir leur combinaison spéciale! Nul ne doit approcher sans protection!
A ce moment la foule se retire, plus ou moins brutalement! "Va falloir trouver le patient zéro! fait Julie. Qu'est-ce qu'il y a, Jack? Tu trembles! J'ai encore dit une bêtise?
_ Non, non...
_ Tu sais, le patient zéro...
_ Oui, c'est la logique!
_ Non, c'est la procédure!
_ A la bonne heure!"