L'Enfant et la lumière (IX,X,XI,XII)

  • Le 11/12/2021
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L enfant 9

 

 

 

 

                                                   IX

                                      Les grains de lumière

 

    L'enfant était de nouveau assis à sa petite table de bois blanc et il regardait des problèmes de mathématique. Cela ne lui parlait pas, mais il sentit une caresse sur sa joue: c'était un rayon de soleil, qui venait de le chauffer! Il se tourna vers lui et aperçut des grains illuminés, qui dansaient! De la poussière passait dans le rayon et il s'amusa à la troubler, mais les grains ne se laissèrent pas faire et entourèrent sa main! Celle-ci se mit à luire et l'enfant fut fasciné!

    Puis, comme s'il y était invité, il avança tout son bras dans le rayon, sa main continuant à jouer avec les grains de lumière! Ceux-ci s'élevaient et l'enfant aussi, dont tout le corps était maintenant enrobé de chaleur! Il remontait le rayon, mené par le ballet des diamants et ainsi il ne s'aperçut pas qu'il avait franchi la fenêtre!

    Le rayon l'emportait, le soutenait et la ville peu à peu s'étendit sous ses yeux... Partout, il y avait des chantiers et... du bruit! Cela perçait, fumait, rageait, sciait, vomissait, crevait, battait! Des grues se dressait pour construire toujours plus haut et... plus loin! La ville marchait sur la mer, la campagne et ne semblait avoir aucune limite!

    L'enfant avait l'impression d'être au-dessus d'une gigantesque termitière et il en frissonna, mais déjà il atteignait les nuages! Des titans de coton cinglaient tous dans la même direction! Il y avait là des géants débonnaires, à la tête d'un blanc resplendissant et aux joues légèrement rosées! Ils avaient l'air de gros choux-fleurs en balade!

     Mais les créatures les plus fantastiques, les monstres les plus incroyables, qui dépassaient de loin en étrangeté les animaux préhistoriques, les accompagnaient! Ils étaient parfois sombres et fuligineux et glissaient le long de scènes curieuses, charmantes, attachantes! Une vieille dame se recueillait sur un jeu, un bébé refusait de suivre le mouvement, un cheval ruait dans l'éther bleu!

    L'enfant prit place entre des poufs moelleux et se laissa porter. On survola des champs qui étalaient leur vert vif tel un damier, puis les grains de lumière plongèrent vers une vallée et l'enfant les suivit, sans peur, car le vent lui murmurait qu'il était son ami! On survola un fleuve, au ras de l'eau, comme certains oiseaux majestueux à côté! Au-dessous, la surface se ridait, sous l'effet de quelque risée, et on eût dit une fine cotte de maille, pareille à de la soie!

    Plus loin de la vase étincelait, comme si elle avait été en or, et on se dirigea vers une falaise boisée! La lumière montra deux pierres blanches et moussues, qui signalaient l'entrée d'un escalier. L'enfant le prit et il marcha sur des feuilles dorées ou amarantes, que l'humidité faisait luire, dans des odeurs d'humus!

    Plus, il y eut des buissons de houx, tels des candélabres jaillissants; des branches de sapins, ainsi que des vagues de perles; des fougères qui brillaient comme de la braise! On passa une salle silencieuse, au profond tapis rouge, parmi des troncs aussi droits que des piliers et sur lesquels coulait de la résine, qui rappelait la cire des bougies! Des doigts de lumière tombaient là en chauffant à blanc des gargouilles griffues!

    Le feuillage montrait ses cristaux nervurés; le talus ses toiles d'araignées tels de petits hamacs bleus; des arbres lisses et noueux prenaient des poses de messieurs satisfaits ou au contraire ouvraient leurs branches, pour crier à la catastrophe!

    Le paysage s'égaya cependant... et on écarta des voiles doux de pollen! Les fleurs! Elles étaient là par milliers! de toutes les couleurs! de toutes les formes, de toutes les tailles! L'enfant voulut les caresser, car elles avaient l'air de jeunes coquettes ou de vieilles vaniteuses et le vent les agitant doucement, elles semblaient rire et apprécier!

    C'étaient des fleurs fraîches, qui ne détestaient pas l'ombrage et une chute d'eau bientôt apparut. Elle était là! Ses yeux étaient argentés et ses cheveux d'un bleu étincelant! Sa robe avait le vert profond de la mousse et son visage souriait! Puis, elle ouvrit les bras, pour accueillir l'enfant et toujours accompagné par les grains de lumière, il s'élança vers elle et sur son cœur, il pleura!

 

                                                                                                         X

                                                                                             La reine Beauté

   

    "J'ai plaisir à te voir, dit la reine Beauté, car je sais combien tu m'aimes! Depuis longtemps, je fais tes délices, n'est-ce pas? Je te regarde souvent t'émerveiller, car tu me rends heureuse!

    _ Oh! Ma reine! fit l'enfant qui pleura de nouveau.

    _ Mon pauvre enfant, continua la reine, les Pierres te font bien des misères! Mais il en est ainsi, parce que tu es un enfant lumière, partagé entre les deux royaumes! Est-ce que tu commences à comprendre cette situation?

    _ Un peu...

    _ Il y a deux royaumes... Le mien, celui de la beauté et celui des Pierres! Les Pierres ne voient pas mon royaume et pourtant elles l'utilisent, l'exploitent, pour se nourrir, se vêtir, trouver de l'énergie et toutes les choses dont elles ont besoin! Toi, tu es chez toi ici, mais tu appartiens en même temps au monde des Pierres! Cela veut dire que tu as une mission!

    _ Une mission?

    _ Oui, tu dois montrer, faire connaître mon royaume aux Pierres!

    _ Mais..."

    A ce moment, on annonça à la reine qu'une délégation voulait être reçue! La reine opina, en plaçant l'enfant à côté d'elle et bientôt des animaux, à l'air fatigué, se présentèrent... Des chevreuils, des sangliers, des lièvres, un couple de renards, avec des mulots tout à côté; toutes sortes d'oiseaux, ceux des buissons et des champs; tout le petit monde de la campagne s'offrait à la vue!

    Un blaireau prit la parole: "Reine Beauté, nous n'en pouvons plus! Les Pierres nous harcèlent! Non seulement elles nous tuent pour leur plaisir, mais encore leurs villes ne cessent de s'étendre et de détruire nos maisons! La dernière fois que j'ai émergé de mon terrier, c'était sous un bulldozer!

    _ Moi, je me suis retrouvé à chanter le printemps sur un parking! cria une alouette.

    _ Mon mari est décédé contre un pare-brise! rajouta une piéride du chou.

    _ Trop de morts! affirma un pigeon.

    _ Mes amis, dit la reine, je partage vos peines et je comprends bien vos problèmes! Je suis moi-même, en cet instant, en train de chercher des solutions... et c'est pourquoi je vous invite à rejoindre mes jardins, où vous pourrez vous reposer!"

    Les animaux s'inclinèrent et s'en allèrent. "Les Pierres sont folles! reprit la reine. Elles ne prennent pas conscience qu'elles se condamnent elles-mêmes, en méprisant mon royaume! Je ne réponds pas par de la haine, puisque j'en suis totalement dépourvu, mais la nature est gouvernée par des lois et si on ne les respecte pas, des catastrophes se produisent et des maladies surviennent! Bien des maux vont prochainement accabler les Pierres qui n'auront plus que leurs yeux pour pleurer!

    _ J'ai déjà essayé de les prévenir, enchaîna l'enfant. Je leur ai dit qu'on ne pouvait pas massacrer votre royaume impunément! que la beauté a un sens et qu'elle est même nécessaire aux Pierres!

    _ Et qu'ont-elles répondu?

    _ Elles se sont moquées de moi! Qui étais-je pour parler de ces choses, moi qui ne suis qu'un enfant? Ne faut-il pas travailler, pour me nourrir, me payer l'école? Je verrai plus tard, quand moi aussi, je devrai travailler!

    _ Bien sûr, les Pierres travaillent... Elles ne font que ça! C'est là leur sérieux! Mais c'est aussi un paravent, un mensonge, une illusion même, que tu ne dois pas hésiter à combattre et à chasser! Sinon mon royaume demeurera hors de la réalité!

    _ O ma reine, comment pourrais-je lutter contre des grandes personnes? 

    _ Tu n'es pas seulement une Pierre... Ta différence te donne un regard particulier et doit te conduire à un savoir! Les Pierres ignorent qui est leur maître et comment elles fonctionnent! Si tu pouvais le leur dire, alors elles t'écouteraient, ne serait-ce que parce que tu leur parlerais d'elles!

    _ Mais n'est-ce pas Stress qui les commande?

    _ Certes, Stress est bien dure avec les Pierres, mais elle n'est au fond qu'une servante! Il y a quelqu'un de puissant derrière Stress!

    _ Je me sens bien petit, pour découvrir qui c'est!

    _ Fée Lumière t'aidera dans ta recherche et moi-même, comme tu le sais, je ne suis jamais loin! Mes nuages continuent de passer sur les plus sombres villes!"

    L'enfant se retourna et vit que les grains de lumière s'étaient transformés en une jeune fille rayonnante, avec des yeux couleur de saphir! "J'essaierai de faire au mieux! dit encore l'enfant.

    _ J'en suis sûre! répondit la reine, qui embrassa une nouvelle fois l'enfant."

    Puis, celui-ci rentra chez lui, de la même manière qu'il était venu, en suivant fée Lumière!

 

                                                                                                          XI

                                                                                                   Le psoque

 

    L'enfant allait par les rues et il ne quittait pas des yeux le ciel! Il évitait ainsi les Pierres et il souriait à fée Lumière, qui resplendissait dans les flaques! Elle transformait encore les arbres en mobiles d'or et enchantait l'enfant, mais il avait une mission et il entra dans la bibliothèque, où était réuni tout le savoir des Pierres! C'était bien là qu'on devait trouver qui les commandait!

    En tout cas, les Pierres y étaient sages et l'enfant s'empara d'une encyclopédie, qu'il ouvrit avec peine sur une table, tant elle était lourde! Bientôt, le foisonnement des connaissances lui donna le vertige et il laissa sa tête tomber sur une page! "Qu'est-ce que tu cherches au juste?" fit une voix.

    L'enfant regarda autour de lui, mais il n'y avait personne et il se demanda s'il ne devenait pas fou! Puis, de nouveau il se pencha et vit un minuscule insecte au-dessus d'un titre! "C'est ça! On y est! reprit la voix, et je te répète ma question: "Qu'est-ce que tu cherches?", car j'ai lu tous les livres ici!

    _ Ce n'est pas possible! s'écria l'enfant.

    _ Oh! Oh! Doucement! Ton souffle a failli m'emporter et on doit chuchoter dans une bibliothèque!

    _ Ah! Excuse-moi! Mais tu es un Pou des livres, c'est ça?

    _ Hum! Je suis encore un Psoque! Mais c'est vrai qu'on ne nous aime guère et qu'on nous écrase, dès qu'on nous voit trottiner! Pourtant, j'ai parcouru des milliers de paragraphes et je suis peut-être en mesure de t'aider!

    _ Eh bien, voilà... Je me demande qui est le maître des Pierres ou ce qui les pousse à agir!

    _ Eh! Eh! C'est une belle question..., à laquelle beaucoup de livres essaient de répondre! Mais, voyons, voyons... Oh! j'y suis! La science est là-dessus catégorique!

    _ J' t'écoute!

    _ Les Pierres vivent d'abord pour se nourrir et se reproduire, comme les animaux!

    _ Hum! Donc, quand elles ont le ventre plein, elles pensent à se reproduire?

    _ Euh! Peut-être pas tout de suite!

    _ Il me semble que ta réponse laisse de jolis trous, dans leur emploi du temps!

    _ En effet... Pom... Pom... Le fric! Le flouze! Le pèze!

    _ Hein?

    _ L'argent, quoi! N'est-ce pas lui le maître des Pierres? Ne sont-elles pas prêtes à tuer pour lui? Ils en sont esclaves, non?

    _ Mais l'argent permet d'acheter des choses... C'est un moyen, qui n'explique pas pourquoi on veut acheter ces choses! Qu'est-ce qui motive les pierres, quand elles dépensent?

    _ La nécessité!

    _ Hum! Si on allait dans les magasins, juste par nécessité, il n'y en aurait qu'un ou deux dans chaque ville! Et on serait tous pareils!

    _ Bon, ben, je sèche!

    _ Eh ben, moi aussi! Houps!"

    L'enfant venait de refermer brusquement l'encyclopédie et il se demanda ce qu'il était advenu du Psoque! "Tu es toujours là? fit-il. Excuse-moi, j'ai pas réfléchi!" Mais personne ne répondit et l'enfant quitta la bibliothèque, la conscience peu tranquille!

 

                                                                                                        XII

                                                                                                     Le duc

 

    Dehors, le ciel était très agité! Un vent fort et des pluies froides tourmentaient les Pierres! Cette situation convenait parfaitement à Stress, qui s'amusait beaucoup! Elle disait à l'artisan: "Comment tu ne fais rien et tu n'as pas peur? Mais oui, j'aime mieux ça! On se presse pour plaire à Stress!" Le résultat était épouvantable! Des véhicules bloquaient les trottoirs, des bruits stridents effrayaient, des jets pleuvaient et l'artisan harcelé avait des regards de haine, surtout à l'égard de ceux qui paraissaient être tranquilles! La division était palpable, mais Stress riait!

    L'enfant essayait d'éviter le chaos, mais soudain il fut percuté violemment! C'était un jeune arbre, probablement un frêne, qui était terrorisé! "Je vous en prie! dit-il à l'enfant. Aidez-moi! Ils arrivent et ils veulent ma mort!" L'enfant ne comprenait pas bien ce qui se passait, mais, instinctivement, il poussa l'arbre dans une entrée de porte, pour le cacher!

    Des chiens surgirent du coin de la rue et foncèrent vers l'enfant! Ils montraient les dents et aboyaient d'une façon assourdissante. L'enfant les repoussait courageusement à coups de pied, mais au fond il n'en menait pas large! Puis, il y eut des sons de cor et des cavaliers remplirent la rue! Ils étaient richement vêtus et leurs montures puissantes luisaient!

    Tous étaient des Pierres, sauf une créature hautaine, qui semblait toute en fer! Elle fit taire les chiens par une Pierre et s'adressa à l'enfant: "Pourquoi caches-tu notre gibier? Tu déranges notre chasse!

    _ Vous ne connaissez pas sa valeur et vous faites n'importe quoi!

    _ Eh bien, eh bien, voilà encore un de ces jeunes révoltés par le système! Et tu vas aussi me dire que les carottes ont une âme!"

    Cette remarque fit rire toutes les Pierres! "Allons cesse de faire ton bébé! reprit la créature. Ceci est une affaire de grandes personnes!

    _ Vous vous croyez sérieux? cria l'enfant. Vous ne savez même pas où vous êtes!

    _ Tu m'agaces à la fin!"

    La créature fit un signe et deux Pierres retinrent l'enfant! L'arbre apparut et les chiens hurlèrent! Une grosse Pierre, à l'air sombre, empoigna l'arbre et le traîna, pendant que les chiens mordaient ses jeunes branches et ses racines!

    Il y avait derrière les chevaux une machine et l'arbre fut jeté dedans, en même temps qu'il poussait un cri. Aussitôt, il fut broyé et haché! On vit un instant ses copaux, puis ce fut le silence. Les cavaliers et la meute firent demi-tour... L'enfant libéré et désespéré laissait aller toute sa haine! "Monstre, ignoble monstre! jeta-t-il à la créature, qui s'en montra amusée.

    _ Tu as le sang chaud, dit-elle. C'est bien, car ainsi tu auras de la force quand tu me serviras... et ce sera pour bientôt!

    _ Comment t'appelles-tu le monstre, que je retienne bien ton nom!

    _ Sache, avorton, que je suis le duc de L'Emploi et... que j'ai tous les droits!"

 
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